Cycle "Révolution Russe 1917/2017" dans les bibliothèques La musique russe en 1917
Ivan Klioune, "Le Musicien"
Dans le cadre du cycle "Révolution russe 1917/2017", un état de la musique russe avant et après la prise du Palais d’hiver, et un focus sur des compositeurs à (re)découvrir.
Les premières décennies du XXème siècle en Russie sont marquées par une indéniable vitalité artistique ; cette période qu’on appelle en Art l’âge d’argent se nourrit d’abord du symbolisme importé de France puis se développe sous une forme proprement russe, l’acméisme, avant de se confronter au futurisme et au bouillonnement intellectuel de l’Europe de ces années-là.
La musique n’échappe pas à ce mouvement moderniste, même si un courant traditionnaliste et slaviste puissant, appuyé sur les conservatoires de Moscou et de Saint-Pétersbourg, continue à revendiquer une esthétique romantique et nationaliste.
Les Russes brillent alors sur la scène artistique européenne, notamment après la création des Ballets russes en 1909, mais cet éclat a occulté ce qui se passait en Russie même ; depuis, la postérité n’a guère retenu que les noms des grands émigrés – Stravinski, Prokofiev, Rachmaninov – ou celui du très conservateur Glazounov, sans oublier un illuminé génial, Scriabine (mort en 1915).
Exit donc de l’histoire des compositeurs aussi audacieux que Nikolaï Roslavets (1881-1944), Arthur Lourié (1892-1966), Nicolas Obouhov (1892-1954) ou Ivan Wyschnegradsky (1893-1979) qui tous tentent, dans le sillage de Scriabine et avec plus ou moins de bonheur, de renouveler le langage musical. Ils tomberont d’autant plus dans l’oubli que malgré leur attachement sincère aux idéaux révolutionnaires, ils finiront par être rejetés, bannis ou réduits au silence par le régime.
Après la Révolution, les musiciens vont conserver pendant presque une décennie une véritable liberté, avant que ne tombe la chape de plomb du réalisme socialiste.
Ils la devront à ce que la musique, art abstrait par excellence, porte moins le flanc aux critiques idéologiques, mais aussi à l’ouverture d’esprit d’Anatoli Lounatcharski, commissaire à l'Instruction de 1917 à 1929, un modéré qui pense pouvoir concilier révolution artistique et révolution politique.
Car c’est là la grande affaire des années 20 : qu’est qu’une musique socialiste ? Deux tendances s’affrontent, incarnées dans deux associations concurrentes, toutes deux créées en 1923 : l’Association russe de musiciens prolétaires (ARMP) et l’Association de musique contemporaine (AMC). Pour l'ARMP, la musique doit être faite par le peuple et pour le peuple, elle doit donc être simple, accessible à tous, et pouvoir être interprétée par les masses laborieuses : une harmonie traditionnelle, une ligne mélodique claire si possible assise sur des airs folkloriques, un rythme entrainant.
De son côté l’AMC prône une vision non politisée de la musique et cherche à promouvoir la création et l’innovation, tant chez les compositeurs russes eux-mêmes qu’en favorisant les échanges avec la musique contemporaine occidentale. En 1927, pour les 10 ans de la Révolution d'Octobre, l'AMC met ainsi au programme de son concert commémoratif la 2e symphonie de D. Chostakovitch, « Fonderie d'acier » de A. Mossolov, la cantate « Octobre » de N. Roslavets et « Prologue » de L. Polovinkine.
Anti-formalisme contre autonomie de la musique, nationalisme contre cosmopolitisme, collectivisme contre individualisme, on sait comment l’histoire a tourné : en 1932 les deux associations sont dissoutes par Staline au profit de l'Union des compositeurs soviétiques. L’ère de la liberté créatrice est close, et pour longtemps.
Ne manquez pas sur ces sujets les animations proposées dans les bibliothèques de la Ville de Paris, tels le concert de l’ensemble Calliopée (le 20/10 à la médiathèque musicale de Paris), la conférence d’André Lischke sur Chostakovitch (le 14/10 à la bibliothèque Andrée Chedid) et la démonstration de Thérémine (le 21/10 à la médiathèque musicale de Paris).
Revivez la promenade musicale autour de 1917 qui s'est déroulée le 7/10 à la médiathèque musicale de Paris.
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Fin
Par Marc C., médiathèque musicale de Paris