Sélection Youssef Chahine, encore et pour toujours
Photo de l'exposition Youssef Chahine à la Cinémathèque Française
À l'occasion du dixième anniversaire de sa disparition, la Cinémathèque Française rend hommage à Youssef Chahine à travers une exposition et une large rétrospective de ses films permettant d'approcher un processus de création singulier et original d'un homme engagé dans son temps.
Sélection
Film
Le destin
Edité par Editions Montparnasse [éd.] - 1998
Au XIIè siècle en Andalousie, le philosophe Averroès premier conseiller du sultan, est reconnu pour sa sagesse, sa tolérance et son équité. Mais il doit faire face à des adversaires qui utilisent l'Islam dans leur quête de pouvoir absolu. Ces derniers, à la tête d'une secte fondamentaliste, parviennent à enroler l'un des 2 fils du sultan.
Film
Alexandrie pourquoi ? : La mémoire, Alexandrie encore et toujours, Alexandrie... New York
Edité par France Télévisions Distribution [éd.] - 2005
Film
Adieu Bonaparte
Edité par LCJ Editions et Productions [éd.] - 2006
En 1798, l'armée napoléonienne débarque en Egypte... Dans ses rangs, Caffarelli, général et homme de science et humaniste... Une page d'histoire traitée du point de vue égyptien, une folle épopée...
Film
Le sixième jour
Edité par LCJ Editions et Productions [éd.] - 2007
1947, une épidémie de choléra sévit au Caire, un jeune homme s'éprend d'une femme mûre et l'aide à cacher aux autorités son fils malade dans l'attente du fatidique sixième jour...
Film
L'autre
Edité par Éd. Montparnasse [éd., distrib.] - [DL 2010]
Un coup de foudre, un mariage...Adam et Hanane sont tombés passionnément amoureux. La jeune Egyptienne, de milieu modeste, est journaliste. Elle veut dénoncer l'enrichissement d'une élite arrogante aux dépens du peule : la corruption règne en maître, les américains tentent de faire main basse sur la manne touristique du pays. Les parents d'Adam et leurs alliés au gourvernement sont au coeur du système. Margaret, la mère d'Adam, nourrit pour son fils un amour exclusif et violent. Elle est décidée à éliminer Hanane, sa rivale...
Film
Coffret Youssef Chahine - 4 films inédits
Edité par Paris [éd.] - 2012
Découvrez 4 films majeurs du plus grand cinéaste égyptien en version restaurée et avec des bonus exclusifs. Coffret regroupant les oeuvres suivantes : « Gare centrale » (1958), « La terre » (1969) « Le moineau » (1973) « Le retour de lenfant prodigue » (1976)
Réunit : "Gare Centrale" (1958, 90'), "La Terre" (1969, 130'), "Le Moineau" (1973) et "Le Retour de l'enfant prodigue" (1976)..
Sélection Youssef Chahine, encore et pour toujours
"Je suis né à Alexandrie et ça c'est important"
Y. Chahine
Youssef Chahine naît le 25 janvier 1926 à Alexandrie. Il y grandit entre les deux guerres, dans une ambiance cosmopolite, laïque, où musulmans, chrétiens et juifs vivent en grande intelligence et acceptent leurs différences. De ce monde de tolérance et de joie de vivre, il gardera toute sa vie la nostalgie.
De ce berceau, celui des communautés, celui de la vie du petit peuple, il fera la base d’un cinéma protubérant.
Adolescent, Fred Astaire et Ginger Rodgers sont ses idoles, il est fasciné par l'Amérique, le cinéma Hollywoodien, la comédie musicale. Il rêve de théâtre, se passionne pour Shakespeare, arrive à convaincre ses parents de le laisser partir faire des études d'art dramatique aux Etats-Unis.
De retour en Egypte, il réalise son premier film, Papa Amine, à l'âge 24 ans, puis aborde à peu près tout ce que le cinéma compte de genres : comédie, drame social, film d'aventures, mélodrame.
Il dirige des vedettes de l’époque, des figures du monde musical arabe, se cherche avant tout une écriture. Il se distingue des autres cinéastes dans l'art du découpage, et le soin apporté à la réalisation de ses films. Il offre son premier rôle à Omar Sharif dans Ciel d'Enfer, et fait jouer la chanteuse libanaise Fairouz dans la comédie musicale Le vendeur de bagues.
En 1958, il réalise Gare Centrale, un film unique dans l'histoire du cinéma égyptien. C'est également un tournant dans la filmographie de Youssef Chahine, son premier chef-d'œuvre - qui sera un échec commercial - dans lequel il sera à la fois devant et derrière la caméra. Film fort et audacieux, sur la frustration sexuelle, qui emprunte au néoréalisme, dont la liberté de ton et l'originalité de la narration surprennent encore (contrepoint de plusieurs points de vue), Gare Centrale est devenu au fil des années un film populaire classique du cinéma arabe.
"Je suis de ceux qui ont raconté l'histoire de l'Egypte, je le dis aussi modestement que possible"
Y. Chahine
Des changements politiques majeurs ont lieu en Egypte à partir de 1956 sous l'impulsion de Nasser : fin de la monarchie, réforme agraire, nationalisation du canal de Suez.
Youssef Chahine fait partie de cette génération d'intellectuels qui, portée par cet élan, accompagne le nassérisme et se donne comme tâche de construire une Egypte moderne. En 1963, il réalise Saladin, une commande de l’état. Film épique sur l'histoire des croisades, exaltant l'unité arabe, guidée par un leader charismatique, il connaît un succès fulgurant.
Après la Guerre des Six Jours (1967), Chahine réalise son quatuor de la défaite :
La Terre (1969) est un film classique et poétique sur la lutte des classes dans un petit village ; une métaphore de l'esprit de résistance d'un peuple déçu par ses dirigeants. Le choix (1970) est le premier film dans lequel Chahine parle de lui, de son ambiguïté politique en tant qu’intellectuel. C'est un polar fascinant sur le dédoublement de la personnalité et une première réflexion sur l'Egypte d'après 67. Il signe trois ans plus tard Le moineau, qui est interdit par la censure égyptienne. Chahine y analyse les causes de la défaite, critique ouvertement une administration gangrenée par la corruption.
Avec plus de culot encore, il réalise Le retour du fils prodigue (1976), une étonnante tragédie musicale, novatrice et virtuose, qui brasse de façon tout à fait prophétique le destin de la nation arabe. Film sombre et violent dans lequel domine l'amertume politique. Avec ce film, Youssef Chahine se positionne clairement comme un opposant. Son cinéma apparaît désormais sous le jour de la critique politique ouverte.
"Moi, et Dieu me garde du moi"
(proverbe arabe)
Avec Alexandrie pourquoi ? (1978) - regard introspectif sur sa propre histoire - Youssef Chahine parle plus librement de l'histoire de l'Egypte. Ce film influence toute une génération d’intellectuels. Film audacieux et novateur dans sa forme, évocation furtive d’une relation amoureuse entre deux jeunes hommes, il reçoit l'Ours d'argent et le Grand Prix du Jury à Berlin mais sera interdit dans pratiquement tous les pays arabes. La Mémoire relate l'itinéraire insolite d'un metteur en scène qui choisit de dire la vérité « à cœur ouvert ». Alexandrie encore et toujours est un véritable cross-country à travers l'histoire de l'Egypte et d'Alexandrie. Dans Alexandrie-New-York (2004), Chahine raconte ses années américaines dans un film empruntant à la fois à la saga, à la comédie musicale, au mélo et au feuilleton.
Ce quatuor autobiographique de Chahine constitue le corpus de films le plus bizarre de l'histoire du cinéma arabe.
"Chacun de mes films naît d'un coup de gueule. Je m'insurge contre toute forme de censure et d'intolérance !"
Y. Chahine
L'émigré (1994) constitue une volte-face spectaculaire, dans le sens d'une réduction du souci formel, et d'une simplification stylistique. Il a le souci d'être compris, de mobiliser, de faire un cinéma populaire où l'évidence de la fable est soutenue par de grands sentiments symphoniques. La musique y prend une place importante. Cette tendance se confirmera jusqu'à sa mort. Le film est inspiré du récit biblique de Joseph et ses frères et se veut un hymne à la tolérance. Pour la première fois un procès est intenté contre l'un de ses films par un groupe intégriste musulman. Face à cet extrémisme religieux rampant des années 1990, Chahine réagit avec Le Destin, dont les interrogations sont motivées par un engagement explicite envers la laïcité, la rationalité, la raison. Le film retrace la vie et les combats du philosophe musulman le plus éclairé de 12ème siècle : Averroès. Il remporte le prix du 50ème anniversaire du Festival de Cannes. Dans L’Autre (1999), le cinéaste convoque l’intellectuel Édouard Saïd dans un mélodrame sur les conséquences de la guerre du golfe en Egypte, la montée de l'islamisme, et le fossé grandissant entre ceux qui surfent sur internet et ceux qui ont faim. Il finit sa carrière avec un drame, Le Chaos (2007), où il replonge dans les bas-fonds du Caire pour mettre en scène la révolte du peuple contre le pouvoir et dénoncer la brutalité et la corruption de la police. Film que certains en Égypte qualifieront de prophétique.
Chahine meurt le 27 juillet 2008 au Caire, au terme d'une carrière de plus d'un demi-siècle. « Prenez mes yeux et regardez le monde avec, vous allez le trouver encore plus beau ! » chantait-il dans Alexandrie, encore et encore ! Et non il n'est pas encore trop tard pour découvrir le monde enchanté de Chahine et rejoindre sa « Belle Alexandrie ».
Retrouvez cette sélection dans le catalogue de la bibliothèque du cinéma François Truffaut
>> L'exposition et la rétrospective à la Cinémathèque
Par Joseph G., bibliothèque Robert Sabatier