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Premières neiges sur Pondichéry : roman
Edité par Zulma - paru en DL 2017
Hochea Meintzel, un violoniste israélien virtuose, fils de déportés, est invité à Chennai, en Inde du Sud, par un festival de musique carnatique. Il décide de s'y rendre afin de quitter définitivement la société israélienne. Il apprend par hasard l'existence de la synagogue bleue de Cochin, laquelle rassemble une communauté hébraïque ancestrale. ©Electre 2016
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Premières neiges sur Pondichéry
A la fin d'un concert à Tel-Aviv, Hochéa Meintzel, violoniste virtuose, déclare ne plus vouloir “être juif, ni homme, ni rien qui voudrait prétendre à un héritage” Sifflé, hué, le vieil homme quitte Israël sans idée de retour après une vie d'espoir et de colère. Il accepte de partir en Inde, invité à un festival de musique carnatique à Chennai. Hochéa est un “curieux personnage au beau visage triste”, un vieil homme usé sous le poids de la mémoire, un rescapé du ghetto polonais de Lodz (où périrent ses parents et sa soeur) et d’un attentat terrible dans un bus en Israël sur la route du Carmel, bus dans lequel il se trouvait en compagnie de sa fille adoptive Samra d’origine palestinienne et dont ils sont sortis tous deux indemnes au milieu des cadavres (ou du moins c’est ce que l’on croit jusque vers la fin du récit où l’on comprend que Samra fait partie des morts). Cet attentat et l’assassinat de Yitzhak Rabin, ont enclenché en lui un processus de délitement identitaire, de perte de foi en l’idéal sioniste.Depuis, le monde lui parvenait à peu près exclusivement par les voies auditives, sous forme d'architectures et de paysages mêlés tout en vibrations internes. D’où son départ, vers l’Inde, avec le projet de ne jamais revenir. Il y est accueilli par une jeune interprète, Mutuswami, jeune femme délicieuse au timbre musical qui n'est pas sans lui rappeler Samra. Mutuswami l'accompagne sur les routes de l'Inde jusqu'à Pondichéry pour le laisser sur la côte du Malabar où, pendant un cyclone, Hochéa sera le participant inespéré de la prière au sein de la synagogue bleue de Kochi. Les légendes et la musique accompagnent ce voyage. Elles sont le visage de l'exil et de l'espoir. Le vieux hazzan bègue de la synagogue bleue raconte les légendes des naufrages qui ont amené le peuple juif en Inde (Adonias, échoué sur la côte du Malabar, a peuplé le sud de Kochi de juifs mariés aux basses castes, en créant la Jérusalem de l'Est). Les deux exils - sources de déchirures douloureuses - et la rencontre d’un pays magique vont se mêler en un univers de correspondances dans lequel les sons, les senteurs et les couleurs, en une étroite tresse quotidienne, vont porter la mémoire et les blessures du vieux musicien. Images, parfums et sons de Lodz, avec leur charge de souffrances. Sons des prières chantées à Jérusalem et qu’il retrouve dans la vieille synagogue bleue. Ô ce Kaddish obsédant chanté par les vieux Juifs de Lodz, par les officiants de Jérusalem, par les quelques Juifs rencontrés dans la synagogue bleue de Kochi! Aux sons répondent les fragrances incroyables des rues des villes sur la Côte de Malabar. Dans cet environnement cosmopolite où le mélange des langues forme une musique insolite et aidé par Mutuswami, le virtuose va apprendre la paix intérieure. Ce récit hautement travaillé, riche de culture sur les croyances, les religions, le cosmos, s'apparente pour moi davantage à un essai quasi philosophique qu'à un roman et dans lequel je reconnais avoir parfois perdu un peu le fil… Hubert Haddad y fait vibrer l'usure d'un vieil homme, à l'image de tant d'exilés, qui n'attend plus qu'un tourbillon l'emporte au ciel. Personnellement, j'ai beaucoup aimé la sensibilité d'Hochéa Meintzel pour qui “Juifs ou Palestiniens, la haine est un suicide. Nous sommes une même âme, un même chant d'avenir.”
ACZ - Le 07 août 2018 à 10:17