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Joli volume
Un bon livre. J'ai d'abord lu un premier livre de René Pons, Une question noire (qui n'est pas sur le réseau des Biblioth.), dans lequel l'auteur expose son admiration pour la tauromachie qu'il ne parvient ni à justifier ni à s'expliquer à lui-même, livre que j'ai trouvé excellent (je ne suis aucunement aficionado moi-même). Je suis resté 2 années ou 3 sans aller plus loin et désormais, c'est une fringale, je suis résolu à ne pas laisser passer une miette de cet auteur (sa bibliographie est énorme, aussi bien chez les très grands que chez de minuscules éditeurs, bcp de livres d'artistes, notamment). René Pons, se disant graphomane, est dans une écriture perpétuelle qui m'a converti en lecteur perpétuel d'un seul et unique jet fragmenté en volumes. J'en suis là. Dans Fragments d'un désastre l'auteur a créé un personnage de papier, un double narrateur au prénom transparent de Ilje (on peut parfois penser à Plume, à Molloy). Voici l'exergue qui lui sert de préface pour énoncer son projet : "Les plus gros livres, au fil du temps, ne laissent pas en nous un dépôt plus épais que les petits livres. Avec l'âge la parole devient modeste et creuse vers le rien. Et puis je crois que les anonymes, les déchus, ont une épaisseur, un mystère que les autres, les héros, les champions de la réussite, n'ont pas, brûlés par leur propre éclat. Et je n'ai plus envie, aujourd'hui, que de m'intéresser à ces ombres furtives, entrevues au coin d'une rue, sur un banc de square, ou dans l'affairement aveugle des salles des pas perdus. Ces ombres qui sont un de mes avatars; si bien que lorsque je parle d'elles, c'est de moi aussi que je parle." De brefs "chapitres" (1/2 pages, 1 page, rarement 4) de description du quotidien, des flâneries, des pensées et des visions (parfois oniriques ou fantasmatiques) de Ilje sur la réalité du monde. Ce n'est pas son style qui caractérise René Pons (quoique fin connaisseur de la langue), ce qu'il a de précieux serait plutôt la rareté de son ton (nullement fabriqué, il y est obstiné) : une noirceur à la fois étonnamment résolue et humble, une lucidité qui accepte la morosité, tout cela tellement insistant que le livre fermé laisse peut-être subsister des traces d'ironie. La mort et le vieillissement sont cependant constamment à l'esprit, si vous cherchez du punch, de l'allant vous n'en trouverez pas davantage que chez Vladimir ou Estragon : "Ilje pose la plume. Il est content de lui. Puis il se trouve parfaitement ridicule et le mur craque au bon moment pour le rappeler à l'ordre, pour lui dire : « Sors de toi-même ! »"
Gilwato - Le 08 mars 2017 à 15:49