Livre


Je suis interdite : roman


Anouk Markovits. Auteur

Edité par J.-C. Lattès - paru en impr. 2013


Issues d'une famille juive ultra-orthodoxe, deux soeurs n'ont connu que les codes rigoureux d'une tradition culturelle fondamentaliste. Alors que Mila se marie dans le respect de la religion, Atara découvre les livres et va tenter d'échapper au destin que lui réserve la communauté.

Collection Littérature étrangère (Paris. 2013)


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  • Je suis interdite 3/5

    Atara Stern et Mila Heller, deux jeunes filles de familles juives hassidiques, cherchent à échapper à leur destin. En août 1940, la Roumanie est contrainte de rétrocéder à la Hongrie la partie Nord de la Transylvanie. Dans les déplacements forcés de population, les Hongrois sont regroupés au Nord et les Roumains au Sud. Les Saxons, colons allemands restés en Roumanie, sont incorporés dans la Wehrmacht. Après la chute du régime hongrois de Miklos Horthy, qui les a relativement préservés, les Juifs sont déportés et livrés aux Allemands en 1944. Deux enfants juifs hassidiques transylvains, Josef et Mila, échappent à la mort après avoir vu leurs familles respectives anéanties. Tout commence en Transylvanie, en 1939, lorsque le jeune Josef, cinq ans, assiste au massacre de sa mère et de sa soeur par la Garde de Fer roumaine. Il est sauvé par Florina, l’ancienne bonne catholique de sa famille, qui le fait passer pour son fils. 5 ans plus tard, c'est lui qui soustrait Mila à la mort lorsque ses parents sont exécutés par les nazis et la conduit auprès du rabbin hassidique Satmar, Zalman Stern, le père d'Atara. Après la guerre, Joseph est envoyé dans une communauté juive hassidique aux Etats Unis, pour y être élevé selon la Loi religieuse. De leur côté, Mila et Atara, élevées comme des soeurs, suivent la famille Stern à Paris. Chez les juifs Hassidim, on vit dans la crainte du père, car dans la crainte de Dieu. Grand érudit de la Thorah, Zalman veut imposer soumission, études des livres saints et tempérance à ses enfants, fascinés par un pays nouveau. Bien que fréquentant une école laïque, Mila et Atara sont soumises aux règles très strictes de la communauté fermée et hostile à toute modernité. Pourtant coutumes, costumes, contraintes les marginalisent. L'éducation par devoirs et interdits fait le quotidien, assortie de culpabilité dans l'inévitable transgression de la jeunesse. «Quand Dieu commande qu'un enfant doit payer pour les pêchés de ses parents», cette phrase résume bien la pression qui pèse sur les épaules de cette famille hassidique, à commencer par les enfants, pratiquant la religion à la lettre, sous peine d'être châtiés et de compromettre la venue du Messie. Et la notion du libre-arbitre – qui s'oppose au destin – la volonté de Dieu – n'existe pas. C'est là tout ce qui oppose Mila qui va vivre sa foi avec dévotion à Atara, la fille aînée des Stern, sa soeur de coeur qui, elle, va rapidement vouloir s'échapper de ce carcan religieux qui l'étouffe. Atara se rebelle d’autant plus qu’elle découvre que le Rebbe, chef religieux du mouvement, a quitté la Hongrie pour la Suisse en 1944, à la suite d'une négociation entre le sioniste Rudolf Kastner et le nazi Eichmann. On reproche au Rebbe d'avoir été épargné alors que sa communauté mourait dans les camps. Petit à petit, les découvertes d'Atara l'éloignent de sa famille, qu'elle finit par quitter; pour elle, il n’y aura pas de retour possible : elle sera bannie définitivement de la famille, de la communauté.. Mila, quant à elle, suit la voie tracée d'un mariage arrangé dans sa communauté, pour le meilleur et le pire ; elle épouse Josef (celui-là même qui l’a aidé lorsque ses parents ont été tués) pour qui elle éprouve heureusement de l’amour et part vivre avec lui à New York, mais leur union ne donnera pas naissance à une lignée « pure » selon le judaïsme orthodoxe où l'adhésion stricte à la loi, celle de la Torah, est fondamentale. Entre Paris et Williamsburg (Brooklyn), quartier juif ultra orthodoxe de New York, le destin des individus est peu de chose face au fondamentalisme religieux qui confine selon moi à un obscurantisme affirmé. Car en toute chose, l'excès me semble condamnable alors que l'humanisme, la tolérance et le libre arbitre devraient être la règle. L'argumentaire de ce roman m'a donc émue, révoltée et sidérée, face à une religion dogmatique, rouleau compresseur indifférent aux sentiments des êtres. Quelle violence morale ! Faut-il y voir une dénonciation ou au contraire une admiration devant tant d'abnégation ? Mon côté un peu rebelle y voit une forme d'oppression intolérable des femmes pourtant soumises aux rituels depuis leur plus petite enfance. Pour la plupart, elles ne semblent pas le vivre de manière contraignante selon l’auteure. Mais quand l'une d'entre elles se risque à vouloir s'éloigner du carcan religieux, elle est vite repérée et doit rentrer dans le rang. Gare à celle qui osera s'affranchir, elle sera «effacée». Ce qui est certain, c’est que ce livre (presque autobiographique si l'on en croit la bio d'Anouk Markovits) m’a rendue encore plus distante et défiante envers toutes les religions sous leur forme intégriste et dogmatique. Et en définitive, je ne sais pas si j'ai aimé ce récit ou pas tant Il est à la fois bouleversant mais aussi dérangeant voire exaspérant. …

    ACZ - Le 05 octobre 2018 à 00:06