Image extraite du film "Et là-bas, quelle heure est-il ?" de Tsai Ming-liang (2001)

« Le cinéma est un cimetière vivant (…) Les salles du Quartier latin, avec leurs reprises, sont peuplées de fantômes… » Ces mots sont ceux d’Alain Resnais, dans un entretien donné au journal Le Monde en septembre 2012. Juste retour des choses, les cimetières parisiens, leurs tombes, leur statuaire et leurs allées arborées hantent de nombreuses fictions et documentaires.

On compte aujourd’hui 20 cimetières administrés par la Ville de Paris : 14 intramuros et 6 situés dans des communes de la petite Couronne. Sur plus de 400 hectares, ils occupent une place importante dans l’espace public. A l’instar des quatre plus étendus (Père Lachaise, Montparnasse, Montmartre et Batignolles), ils s’intègrent au paysage urbain et sont des lieux incontournables de leurs arrondissements respectifs. Il est ainsi normal,  quand Paris inspire les réalisateurs, de les apercevoir régulièrement à l’écran, à la fois lieu et symbole pouvant donner naissance à une histoire, une scène ou un simple plan.

Marquant de son empreinte le 18e arrondissement, le cimetière de Montmartre apparaît au gré des déplacements des personnages : chez François Truffaut (Les 400 coups, 1959) ou encore Eric Rohmer (Les rendez-vous de Paris, 1995). Elément d’un quartier donc, mais aussi de l’Histoire, comme dans La nouvelle Babylone (Grigori Kozintsev et Leonid Trauberg, 1929) où l’histoire du Père Lachaise croise celle de la Commune de Paris.

Si l’on franchit leurs grilles, les cimetières peuvent eux aussi devenir lieux de promenade, de rencontre ou de retrouvailles, conférant au lieu une dimension poétique ou romantique. Jean-Pierre Léaud converse avec Chen Shiang-chyi  sur un banc du cimetière du Montparnasse chez Tsai Ming-Liang. Julie Delpy et Adam Goldberg déambulent dans les allées du Père Lachaise à la recherche de la tombe d’Oscar Wilde dans 2 days in Paris, tandis qu’Emmanuelle Riva et Pierre Richard scellent leurs retrouvailles sur un banc non loin de là par une danse des pieds devant la caméra de Fiona Gordon et Dominique Abel  dans Paris Pieds nu (prochainement disponible dans les vidéothèques de la Ville de Paris).

Néanmoins, la fonction première du lieu n’est pas oubliée par les cinéastes : entre deuil, souvenir et recueillement, allées, crématorium et columbarium ont été diversement filmés, intégrés à la fiction suite à la disparition d’un personnage (Les chansons d’amour de Christophe Honoré, Paris de Cédric Klapisch, L’amour en fuite de François Truffaut, Mado de Claude Sautet…), ou en hommage à un illustre occupant des lieux (Jim Morrison chez Oliver Stone, Oscar Wilde chez Julie Delpy ou encore Gertrude Stein chez Arnaud Des Pallières).

Et c’est peut-être la rencontre du fonctionnel et du romantique qui inspire le cinéma d’horreur et d’épouvante, faisant du cimetière un incontournable du genre. Dans une certaine tradition gothique, Jean Rollin filme le cimetière de Montmartre dans Lèvres de sang. Et plus récemment, la nécropole des catacombes a servi de cadre au film éponyme de John Erick Dowdle. Lieu d’un imaginaire débridé donc, jusqu’aux portes du grotesque dans la mythique rencontre orchestrée par Leos Carax (Holy Motors, 2012) entre Denis Lavant et Eva Mendes lors d’un shooting photo dans les allées du Père Lachaise.

Ainsi, la filmographie ici proposée essaie de rendre compte en alliant fictions et documentaires,  nouvelle vague et cinéma de genre, de la place des cimetières parisiens dans notre quotidien et notre imaginaire.