Par Fabian Sanabria Vers une nouvelle Colombie ?
Fabian Sanabria, commissaire général pour la Colombie de l’Année France-Colombie 2017, a écrit un texte pour le temps fort « Vers une nouvelle Colombie » dans les bibliothèques de la Ville de Paris
Fabian Sanabria, commissaire général pour la Colombie de l’Année France-Colombie 2017, a écrit un texte pour le temps fort « Vers une nouvelle Colombie » dans les bibliothèques de la Ville de Paris, dont une partie a été publiée dans le numéro novembre-décembre d’En Vue. Le voici dans son intégralité.
Que connaît-on de la Colombie en France ? Voilà une question sur laquelle il faudrait répondre sans écarter d’un revers de la main les clichés que suscite ce pays d’Amérique latine. Car il arrive que les idées vagues, tout comme les caricatures, expriment la manière dont les autres nous voient ou nous perçoivent. C’est ainsi que les imaginaires qu’évoque généralement la Colombie associent ce pays à la violence ou au trafic de drogues, à des chanteurs ou à des joueurs de football, peut-être à la salsa ou à un type de musique sonore. Il est possible que des voyageurs plus avertis associent la Colombie à Gabriel García Márquez ou à Fernando Botero, mais au-delà de ces références c’est la règle générale qui s’applique : on appréhende autrui à coups de généralités.
Mais la Colombie est aussi un pays immensément riche en fait de diversité. S’étendant sur un territoire deux fois plus vaste que celui de la France, avec des rives sur les deux océans, trois cordillères et une énorme variété d’espèces de flore et de faune qui, au cœur des tropiques pas si tristes que cela, surprend agréablement ceux qui s’y rendent. Indubitablement, la Colombie vient de traverser une période sombre de son histoire, marquée par le trafic de drogues, la lutte armée de la guérilla et les groupes paramilitaires dits "d’autodéfense" qui partout ont semé la violence. À cela s’ajoutent les indices de corruption très élevés qui ont beau de ne pas vouloir regarder la réalité en face et révèlent, bien au contraire, les énormes difficultés d’un pays qui s’efforce pour ne pas se retrouver isolé dans le concert des nations.
Esprit de résilience
Malgré tout cela, le peuple colombien est extraordinaire. Il est traversé par un esprit de résilience, c’est-à-dire, une capacité magnifique à transformer des expériences et des situations traumatiques en des voies alternatives pour proposer un changement. Ceci s’aperçoit particulièrement bien dans les dernières décennies qui ont inspiré nos productions culturelles, soit dans les domaines des arts visuels ou plastiques, soit dans la littérature, la musique, le théâtre ou la danse. Et c’est justement ce point-là celui que l’on va développer tout au long des rencontres organisées par les bibliothèques de Paris, notamment pendant le mois de novembre, car c’est bien dans l’art et la littérature colombienne qu’un vaste horizon se déploie pour bâtir aujourd’hui les nouveaux lieux de mémoire et de réconciliation dans ce pays.
Normalement les responsables politiques ont l’habitude avec leurs coquetteries de promettre aux citoyens un future meilleur. Néanmoins, il est intéressant de penser l’avenir en dehors du "champ politique", même s’il influence en permanence tous nos mouvements et si la situation colombienne ne peut pas échapper à sa tragédie politique. Or, tenter de poser la question autour de l’avenir dans des terrains inédits pour un pays comme la Colombie, implique de revenir à ce texte classique de l’anthropologie qu’est La pensée sauvage et dont le titre ne se réfère pas à la pensée des "sauvages", comme l’a bien souligné Claude Lévi-Strauss, mais justement à cette plante qui naît et pousse dans des régions où abondent la boue ou les excréments. C’est ainsi qu’au cours des dernières années, la Colombie a essayé de reprendre son temps. Ceci impose de se souvenir du passé sans s’y attacher absolument. Pour cela, le gouvernement national a misé sur la réconciliation avec les groupes armés, les guérillas comme les paramilitaires. Tout un processus de "justice transitionnelle" s’est ainsi mis en place afin que les Colombiens soient capables de se pardonner. Bien qu’un mouvement de droite comme d’extrême-droite se soit exprimé pour s’y opposer, ce processus a cependant reçu un large soutien de la part de la communauté internationale. Mais le plus important de ce processus sont les multiples visages que depuis les derniers années la littérature et les arts ont déployé, tout en réalisant des exercices de mémoire afin de rêver un autre avenir.
Fabian Sanabria, commissaire général pour la Colombie de l'Année France-Colombie 2017