Accords et désaccords : la guitare sous toutes ses formes Le shoegaze
Pochette de l'album "Loveless" de My Bloody Valentine
A l'occasion du festival Monte le Son, suivez notre série d'articles "Accords et désaccords" pour découvrir des genres musicaux intimement liés à la guitare. Aujourd'hui, le shoegaze.
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Le psychédélisme anglais a sans doute connu ses plus beaux jours dans les années 90, plus encore que dans les années 60. Il imprègne de nombreuses scènes et styles musicaux au-delà du rock : de l’acid-house des clubs à la trance des raves, du baggy au trip-hop… La consommation accrue des drogues de synthèse par le jeune public et les musiciens appelle une musique propice au trip. Le versant pop de ce nouveau psychédélisme se nommera noisy pop, puis shoegazing.
Alors qu’il aurait pu être revendiqué par d’autres activistes du bruit auparavant (du hard-rock au hardcore en passant par la no-wave), le terme noisy est utilisé par la critique en 1985, pour qualifier une musique psychédélique : celle de The Jesus And Mary Chain, sur Psychocandy. Le son des guitares est sali par des pédales d’effet, en particulier la fuzz. Cette distorsion a été la première utilisée sur des guitares électriques, dès les années 50. Elle est très répandue dans le garage psychédélique des années 60. Mais ce qui est nouveau avec The Jesus And Mary Chain, c’est de faire surnager de calmes mélodies pop dans ce brouillard sonore agressif. Noisy pop, donc. Spacemen 3 avec Sound Of Confusion en 1986 et Loop avec Heaven’s End en 1987 ouvrent eux aussi la voie. Et les tournées de Dinosaur Jr et de Sonic Youth en Angleterre en 1988, pour Bug et Daydream Nation, ont sans doute joué un rôle.
Mais ceux qui vont un cran plus loin, posent durablement les jalons du shoegaze et en restent les icones sont incontestablement My Bloody Valentine avec Ecstasy (1987), Isn’t Anything (1988) et leur chef-d’œuvre, Loveless (1991). My Bloody Valentine bouleverse la scène anglaise en produisant un mur de son bruitiste très compact, particulièrement assourdissant sur scène. Le mixage met la voix en retrait. La section rythmique est simplifiée. Leur musique est un trip qui mélange l’extase et l’effroi ; elle rend inséparable les mélodies naïves et aériennes de la déferlante de sons des guitares saturées, dont les notes jouées sont souvent tordues par le vibrato, ou partent en larsen voire en feedback. Les deux guitares jouent ensemble comme pour se neutraliser et rendre leurs riffs léthargiques.
Dans le shoegaze, ce sont donc les guitares qui remplissent presque tout l’espace sonore. Leur son est manipulé et transformé par de nombreuses pédales d’effet : chorus, delay, fuzz, reverb, flanger… C’est d’ailleurs de là que vient le terme : sur scène, presque immobiles, la tête penchée en avant, concentrés sur leur instrument et leur parterre de pédales d'effets, les guitaristes semblent contempler imperturbablement leurs chaussures.
L’acid rock des années 60, de The Seeds au Grateful Dead en passant par Red Krayola, avait pour finalité et vecteur une forme de transe. Longtemps vendu comme un genre excentrique qui habille de jolies mélodies d’arrangements bizarres, le psychédélisme retrouve avec le shoegaze son motif originel.
A écouter dans la playlist, une sélection de groupes de la première vague shoegaze : Ride, Pale Saints, Slowdive, The Boo Radleys, Chapterhouse… Mais aussi quelques-uns, anglais ou américains, qui ont entretenu la flamme ou s’en sont inspirés.
Par Antoine M., médiathèque musicale de Paris