Sélection L'automne, saison des prix littéraires
Edmond de Goncourt en couverture du journal "Les Hommes d'aujourd'hui : portraits à charge" - 1883 (bibliothèque Forney)
Alors que la saison des prix littéraires touche à sa fin, découvrez notre sélection de livres pour mieux en comprendre les enjeux et les polémiques.
Attendus, critiqués, suivis…les prix littéraires d’automne font partie de la vie culturelle française. Ils disent l’importance que l’on accorde au statut d’écrivain dans la société, ceci depuis la création de l’Académie Française.
Jusqu’à la fin du XIXème siècle, seule la poésie ou les essais apportaient la gloire, tandis que le roman était considéré comme un genre populaire (à cause de la publication en feuilleton dans les journaux). Edmond de Goncourt, en léguant toute sa fortune à une fondation chargée de récompenser tous les ans un romancier de talent, contestait cette hiérarchie. Créée en 1903, l’Académie Goncourt, composée de dix hommes de lettres exclusivement, se voulait étrangère aux intérêts d’éditeurs et aux coteries mondaines. Les jurés, nommés à vie, se concertaient entre eux pour désigner un remplaçant en cas de décès. Ils devaient exprimer une vision élevée de la littérature. Le prix remis au lauréat, de 5000 francs, devait le mettre à l’abri du besoin et lui permettre de se consacrer entièrement à son art.
Mais l’Académie Goncourt ne put échapper aux critiques. Et en 1904 fut créé le Prix Fémina, dont le jury réunissait vingt-deux femmes de lettres et journalistes désireuses de faire entendre leur voix. L’Académie Française créa son Prix du Roman en 1911 pour ne pas être en reste, et le Renaudot, à l’initiative d’un groupe de journalistes, fit son apparition en 1925. Suivirent le Prix Interallié (1930) et le Prix Médicis, en 1958, qui souhaitait se démarquer par sa sélection plus exigeante et plus originale, une sorte d’anti-prix .
Dans cette compétition pour la légitimité, les éditeurs sont les gagnants, du fait du battage médiatique d’une part, et de la notoriété immédiate accordée aux lauréats d’autre part, avec un réel impact sur les ventes.
Le plus prestigieux et le plus vendeur reste le Prix Goncourt (un million d’exemplaires vendus pour L’anomalie d’Hervé Le Tellier Goncourt, 2020).
Nul doute que les considérations commerciales jouent un rôle dans les délibérations des jurys et que des pressions puissent s’exercer. Néanmoins, en bons garants de la diversité, les jurés doivent promouvoir de temps en temps de jeunes auteurs et de petites maisons d’édition. C’est le cas avec le lauréat du Goncourt de cette année : Mohammed Mbougar Sarr publié aux éditions Philippe Rey La plus secrète mémoire des hommes.
Le poids du succès peut être écrasant pour certains écrivains comme Jean Carrière, récompensé pour l’Épervier des Maheux (Pauvert) en 1972 et qui a raconté quinze ans plus tard dans Le prix d’un Goncourt sa dépression consécutive à la surexposition médiatique. Julien Gracq quant à lui, refusa le Prix Goncourt en 1951 pour Le Rivage des Syrtes, publié chez José Corti. Ayant critiqué le système des prix et les ententes entre éditeurs et critiques dans son ouvrage : La littérature à l’estomac (José Corti), il lui semblait malhonnête d’accepter une telle récompense. Ce qui n’empêcha pas le roman de se vendre à 135 000 exemplaires, une manne inespérée pour son éditeur.
Parce qu’ils s’inscrivent dans une économie du prestige, les prix littéraires possèdent une dimension médiatique et commerciale. Il serait dommage de ne considérer que cet aspect des choses. La course aux prix littéraires anime les débats dans les journaux, stimule éditeurs et auteurs, suscite la polémique, et nous rappelle que les livres (romans et essais) donnent une autre dimension à la vie.
Sélection
Livre
Julien Gracq, prix Goncourt 1951 : histoire d'un refus : essai
Edité par Éditions la Simarre - DL 2020
Le 3 décembre 1951, le prix Goncourt est attribué à Julien Gracq, pour son roman Le rivage des Syrtes, mais celui-ci refuse cette prestigieuse récompense. L'auteur relate en trois tableaux cette page étonnante de la vie littéraire française, de 1948 à 1951. ©Electre 2020
Livre
Les tribulations d'Arthur Mineur : roman
Edité par Jacqueline Chambon - DL 2019
Arthur Mineur, 50 ans, traverse une crise existentielle. Auréolé d'un prix Pulitzer, il n'a depuis publié que des livres au succès mitigé. Quand il reçoit un carton pour assister au mariage de son ex-compagnon, l'écrivain prétexte des invitations dans d'obscurs festivals littéraires pour y échapper. C'est le début d'un périple littéraire, sentimental et humain autour du monde. Prix Pulitzer 2018. ©Electre 2019
Livre
Sans voix
Edité par C. Bourgois - DL 2014
Peu avant la remise du prix Elysian, destiné à récompenser la meilleure fiction de l'année, cinq membres du comité chargé de le décerner se réunissent : Katherine Burns, une romancière collectionneuse d'hommes, Sam Black, un écrivain tombé sous son charme, Sonny, un auteur d'origine indienne accompagné de sa tante, et Alan Oaks, un éditeur. Mais tout ne se déroule pas comme prévu.
Livre
Du côté de chez Drouant : cent dix ans de vie littéraire chez les Goncourt
Edité par Gallimard - impr. 2013
Tiré d'une série d'émissions diffusée durant l'été sur France Culture. En un ensemble de brefs chapitres, une histoire de la vie littéraire à travers plus d'un siècle de prix Goncourt : coulisses de leur attribution, jurés, consécrations, polémiques, etc. L'auteur fonde son propos sur les archives de l'Académie et sur la presse littéraire de l'époque.
Livre
La littérature, à quel(s) prix ? : histoire des prix littéraires
Edité par la Découverte - impr. 2013
Enquête sur les prix littéraires et leur influence sur la création littéraire française, le statut de l'écrivain et son rapport avec les lecteurs. Structurant le marché, ces récompenses imposent une norme en matière de goûts littéraires et inscrivent l'auteur dans un système qu'il ne maîtrise pas mais dont il bénéficie.
Livre
Mes prix littéraires
Edité par Gallimard - impr. 2010
Sous prétexte de parler des prix littéraires qu'il a reçus tout au long de sa vie, l'écrivain se livre à un exercice de détestation au cours duquel il évoque avec ironie les jurés, les donateurs, les organisateurs, les villes où ont eu lieu les cérémonies. Chacun des récits se lit comme une courte nouvelle et témoigne d'une réflexion sur l'industrie littéraire et la valeur des distinctions.
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Retrouver également tous les Goncourt à emprunter en bibliothèque.
Ainsi qu'une sélection de la bibliothèque François Villon détaillant le meilleur de la rentrée littéraire 2021.
Par Marie Aulde L., bibliothèque Claude Lévi-Strauss, et Antoine J., bibliothèque Andrée Chedid
Connaissez-vous le... Prix des lecteurs des bibliothèques ?
Le Prix des Lecteurs et des Lectrices des bibliothèques de la Ville de Paris est décerné chaque année à un premier roman adulte, édité entre le 15 août et le 15 février de l’année N+1, par une autrice ou un auteur francophone. Ce prix est attribué chaque année au mois de juin.