Hommage Dans le jardin secret d'Yvette Horner
Cette année, Yvette Horner aurait eu cent ans. La Médiathèque musicale de Paris rend hommage à l’icône populaire à travers son goût pour… la musique classique, grâce à un album méconnu, trésor caché de la collection de la médiathèque : Le jardin secret d'Yvette Horner.
À l’âge de 11 ans, avec son 1er prix de piano obtenu du Conservatoire de Toulouse, la jeune Yvette Hornère se destine à une carrière de concertiste, passionnée qu’elle est de musique classique (*). Mais ses parents décident qu’elle se mettra à l’accordéon – parce qu’il y a peu de femmes accordéonistes et qu’elle a davantage de chances de trouver une situation…
À l’époque où elle se met à l’étudier, l’accordéon est très jeune, puisqu’il a à peine plus d’un siècle. En soixante-dix ans de carrière, Yvette Horner (le e est tombé entre-temps) en vivra à la fois l’essor et la consécration.
L’accordéon est un instrument à vent et à claviers, doté d’une large tessiture, d’une grande puissance et de registres sonores très variés. N’en déplaise à ses détracteurs qui ne l’associent qu’aux bals populaires et le jugent ringard, voire vulgaire, il a une dynamique et une expressivité telles qu’il est utilisé dans de nombreux répertoires. Il est omniprésent dans les musiques du monde, et dans beaucoup de styles différents : jazz, chanson, et bien sûr en musique savante, soit contemporaine parce que beaucoup de compositeurs du XXe siècle ont écrit pour l’accordéon (développant les modes de jeux inédits), soit « classique » parce qu’on peut jouer le répertoire qui a été composé à l’origine pour le clavecin, le piano ou l’orgue.
C’est dans cette diversité qu’Yvette Horner trouve son bonheur. Adolescente, tout en animant les bals de sa région tous les week-ends, elle travaille les ouvertures des opéras de Rossini qu’elle présente aux concours. En 1948, lorsqu’elle remporte la coupe mondiale d’accordéon, c’est avec une Rhapsodie hongroise de Liszt et le Songe d’une Nuit d’été de Mendelssohn. Quelques années plus tard, elle devient la mascotte du Tour de France puis... professeur à la Schola Cantorum, où elle enseigne Boulez et Messiaen à l’accordéon.
Parmi ses trésors, la Médiathèque musicale de Paris conserve un album vinyle d'œuvres de musique savante, enregistré à l’accordéon et au piano par Yvette Horner en 1988 avec le célèbre label Erato, sous la direction artistique de Michel Garcin. Le Jardin secret d’Yvette Horner comprend des pièces de compositeurs baroques (Daquin, Scarlatti), romantiques français (Liszt, Saint-Saëns), espagnols (Albeniz, Granados), ou encore contemporains (les accordéonistes André Astier et Freddy Balta, mais également le danois Poul Rovsing Olsen).
On mesure bien, à l’écoute de pièces comme Le Coucou (Daquin) ou Procession (Saint-Saëns), l’impressionnante étendue des palettes sonores de l’instrument, qui se fait tantôt intimiste et délicat, tantôt puissant comme les grands jeux de l’orgue. On apprécie l’audace du choix des morceaux, notamment la pièce atonale de Rovsing Olsen, totalement inattendue. On aime jusqu’au kitsch de la pochette, du photo-montage au halo glamour qui entoure notre vedette !
Écoutez des extraits
(*) comprenons « musique classique » au sens large, pour désigner toute la musique savante occidentale et non simplement la période 1750-1800.
Le Jardin secret d'Yvette Horner (Erato, 1988)
Astier, André : Grande valse de concert. Accordéon, piano.
Aquin, Claude d' : Pièces pour clavecin. Extr. n ° 13. Le Coucou. Arrangement accordéon.
Rovsing-Olsen, Poul : Whithout à title. Arrangement accordéon.
Scarlatti, Domenico (1685-1757) : Sonates. Clavier. Do majeur. Arrangement accordéon.
Balta, Freddy : Invention. N ° 2. Accordéon.
Saint-Saëns, Camille (1835-1921) : Procession. Accordéon.
Granados, Enrique : Allegro de concert. Piano.
Liszt, Franz (1811-1886) : Nocturnes. Piano. N ° 3. La bémol majeur. Rêve d'amour.
Liszt, Franz (1811-1886) : Etudes de concert. Piano. N ° 2. La Ronde des lutins.
Albéniz, Isaac : Suite espagnole. Piano. N ° 1. Op. 47. Extr. n ° 5. Asturias. Piano.
Par Ariane Badie, Médiathèque musicale de Paris