Québec terre d’immigration

Le Québec a une complexe histoire d’immigration, façonnée par une variété de facteurs historiques, politiques, économiques et sociaux.

 Nombre d’autrices et auteurs québécois francophones issu.e.s de l'immigration abordent les questions de l'assimilation culturelle, du sentiment d'appartenance et de l'adaptation à un nouvel environnement.

 L’auteur haïtien Dany Laferrière (qui réside principalement à Montréal et à Paris), par exemple, développe souvent des thèmes liés à l'identité, à l'exil et à la quête de soi. Dans son premier roman Comment faire l'amour avec un Nègre sans se fatiguer, il relate les expériences d'un jeune écrivain haïtien qui immigre au Québec. Le titre même du roman, provocateur et ironique, souligne la tension entre l'identité culturelle et les attentes sociales.

L’écrivaine québécoise d'origine vietnamienne Kim Thuy  nous livre une œuvre où la petite et la grande histoire se joignent, à travers des personnages au carrefour entre plusieurs cultures. Dans le roman autobiographique Ru, elle raconte l’histoire de sa famille, depuis sa fuite du Vietnam pendant la guerre jusqu'à son installation au Québec.

La famille, ses liens et ses héritages sont par ailleurs des sujets très présents dans ce panorama littéraire.

La famille, au centre d’un tournant littéraire au Québec

Alors que depuis le XIXe siècle la littérature du Québec était principalement constituée de romans de terroir, faisant la promotion de la vie paysanne, un tournant est amorcé dans les années 1940 avec la parution de plus en plus fréquente de romans urbains. Ceux-ci ont toutefois en commun avec les précédents de faire la part belle aux histoires familiales et aux descriptions du contexte social.

Ainsi, l’œuvre majeure de Gabrielle Roy, Bonheur d’occasion, s’attache-t-elle au sort des ouvriers du quartier montréalais de Saint-Henri au moment où le Canada s’engage dans la 2^nde Guerre mondiale et obtient le prix Femina en 1947 (c’est la première fois qu’un livre canadien en est lauréat).

Dans les années 1980, l’auteur de théâtre Michel Tremblay s’inspire des personnages de ses pièces pour développer une saga située sur le Plateau Mont-Royal, à Montréal. Ces Chroniques proposent elles aussi un portrait réaliste d’une famille ouvrière et s’attardent sur les thèmes de la filiation et de l’héritage familial. L’auteur reprendra ce fil narratif dans les années 2000 pour poursuivre l’étude d’un des membres de la famille, avec le cycle romanesque de La diaspora des Desrosiers.

Les questions d’héritage et de filiation forment également la matrice du roman d’Alain Farah, Mille secrets, mille dangers, sur un ton drôle mais critique. On retrouve cette critique des relations familiales et de leurs aspects potentiellement destructeurs dans le troisième livre de Brigitte Pilote, La femme qui rit .Jean-François Beauchemin, de son côté, en explore davantage les aspects bienveillants et solidaires dans son roman Le roitelet, centré sur la relation entre lui et son frère souffrant de troubles schizophréniques.

La famille joue enfin un rôle prépondérant dans l’œuvre de Michel Jean, auteur inuit bien représenté en France et emblématique de l’émergence des Premières Nations dans la littérature du Québec.

Les Premières Nations, enfin en première ligne ?

Depuis 2011 se tient à Québec un Salon du livre des Premières Nations, signe que le monde éditorial québécois cherche à donner une place plus visible aux œuvres des autrices et auteurs issu.e.s de ces communautés, qu’ils écrivent en français ou qu’ils soient traduits. Il serait toutefois réducteur de parler de « littérature autochtone », tant la diversité de ces écrits est grande. Une seule chose est sûre : publier ces auteurs permet de « rectifier le tir » en les autorisant enfin à raconter leur histoire de leur point de vue et à exprimer leurs opinions ainsi que leurs émotions, tout en se tournant vers l’avenir.

Pendant longtemps, le principal roman s’intéressant aux Inuits, alors appelés Esquimaux, fut en effet Agaguk, écrit par Yves Thériault et adapté au cinéma par Jacques Dorfmann, qui peut désormais faire office de témoignage sur les préjugés qui ont longtemps eu cours sur les Premières Nations.

L’intérêt pour les auteurs autochtones est davantage marqué depuis les années 2000, avec la constitution de maisons d’édition tournées vers ces communautés, telles Mémoire d’encrier, ou la librairie et maison d’édition spécialisée  Hannenorak. Ces nouvelles propositions éditoriales permettent de mettre en avant d’autres styles, par exemple la poésie de Joséphine Bacon.

Des thèmes jusque-là tus ont également émergé, comme celui des pensionnats dans lesquels les enfants autochtones ont été déportés jusque dans les années 1990, décor de l’œuvre de Michel Jean (Maikan) ou d’An Antane Kapesh. De leur côté, Naomi Fontaine (Kuessipan, livre adapté en film, ou encore Manikanetish), Jean-François Létourneau (Le territoire sauvage de l’âme) ou Juliana Leveillé-Trudel (Nirliit) ont développé des récits où les relations entre communautés autochtones et société québécoise francophone peuvent enfin être enrichissantes et bienveillantes.

Cet intérêt relativement récent pour les écrivaines et écrivains des Premières Nations québécoises a permis de montrer que la littérature autochtone ne pouvait être cantonnée aux thématiques auxquelles elle a longtemps été réduite, comme celle des relations à la nature.

Cette dernière reste toutefois d’actualité, d’autant plus qu’elle est fortement reprise par les auteurs francophones non issus des Premières Nations.

Humains et natures

Les multiples facettes du rapport à la nature occupent en effet une place prépondérante dans la littérature québécoise francophone.

Elle y est souvent représentée comme un espace à la fois sauvage et domestiqué, un lieu de refuge et de confrontation, reflétant les rapports complexes entre l'homme et son environnement.

Dans Les fous de Bassan par exemple, Anne Hébert explore la relation entre les habitants d’une l'île et le paysage marin qui les entoure, mettant en évidence le pouvoir oppressant de la nature sauvage.

La nature est aussi un moyen de recherche de soi. À travers le retrait en isolement et la lutte pour la survie en milieu naturel les personnages cherchent ainsi à se reconnecter à soi-même.

Dans Il pleuvait des oiseaux, Jocelyne Saucier livre le récit de la vie de trois ermites vivant dans une forêt reculée entre liberté, solitude et recherche de sens.

Gabrielle Filteau-Chiba (Encabanée, Sauvagines) offre une réflexion sur la façon dont les femmes peuvent trouver un certain pouvoir et une certaine libération en se reconnectant avec la terre et en remettant en question les normes de genre préétablies, entre critique du patriarcat et éco-féminisme.

Féminisme(s)

Le féminisme a par ailleurs été un sujet central depuis plusieurs décennies dans la littérature québécoise francophone.

Dans les années 1960 et 1970 des autrices comme Nicole Brossard et Louky Bersianik ont été parmi les premières à aborder ouvertement les questions de genre et d'émancipation des femmes dans leurs écrits.

Au fil des années d’autres autrices explorent une gamme de thèmes : la lutte pour l'égalité des sexes, la remise en question des rôles traditionnels assignés aux femmes, la sexualité féminine, la maternité, la violence domestique, et la représentation des femmes dans la société.

Anaïs Barbeau-Lavalette dans La femme qui fuit campe le portrait de sa grand-mère Suzanne, une peintre qui a abandonné sa famille pour poursuivre sa carrière artistique. Dans sa quête pour l’indépendance, la protagoniste refuse de se conformer aux rôles traditionnels d’épouse et de mère.

Nelly Arcan critique férocement les pressions sociales et culturelles qui sont imposées aux femmes pour répondre à des normes de beauté et de sexualité souvent irréalistes. Ses romans, tels que Putain et  Folle  explorent les désirs, les fantasmes et les expériences sexuelles mais aussi les dynamiques de pouvoir entre les genres, mettant en lumière les façons dont le patriarcat influence les relations et les interactions sociales.

Littérature queer

La littérature québécoise francophone intègre de plus en plus des narratives queer et LGBTQIA+ mettant en lumière les expériences des personnes défiant les normes hétéronormatives.

Kevin Lambert dans Querelle  offre un éventail de représentations de l'homosexualité, de la prostitution à la romance, en passant par les relations de pouvoir et de domination. Les personnages ne sont pas définis uniquement par leur orientation sexuelle, mais sont plutôt présentés comme des individus avec des motivations, des luttes et des désirs uniques.

L’homosexualité est une thématique également très présente dans l’œuvre du déjà cité Michel Tremblay.

Dans Des nouvelles d’Edouard, on suit le parcours d'un jeune homme homosexuel, contre l'homophobie et les préjugés sociaux dans le Québec des années 1950 et 1960.

Hosanna, protagoniste de La Shéhérazade des pauvres emmène le lecteur dans les coulisses du milieu travesti de Montréal.

Marie-Claire Blais, encore, dans Un cœur habité de mille voix, met en scène René trans nonagénaire qui déroule le fil de ses souvenirs du milieu queer canadien et étasunien des années 60.

Dans cet article nous n’avons fait que présenter un panorama global de thèmes et auteur.ices, sans aucune prétention d’exhaustivité.

Riche en thématiques et en formes, en perpétuelle évolution, la littérature québécoise francophone a largement de quoi alimenter vos piles à lire.

Du côté de la bande dessinée

Genre très populaire dans la production littéraire québécoise d’expression français, la bande dessinée aborde une grande variété de thématiques.

Parmi les principales maison d’éditions dédiées nous pouvons citer La pastèque.

Jean-Paul Eid, figure importante dans l’édition et la promotion de la bande dessinée au Québec, explore avec beaucoup de délicatesse le handicap dans sa bande dessinée Le petit astronaute.

Du côté du récit autobiographique, les récits de voyages de Guy Delisle, et la série « Paul », de Michel Rabagliati sont très appréciés par le public.

Le feminist comix de Julie Doucet (Maxi-Plotte) ou encore l’œuvre de Julie Delporte (Moi aussi je voulais l’emporter) témoignent de l’importance du féminisme non seulement au niveau du roman mais aussi de la production de bande dessinée.

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À écouter

Pour en savoir plus, voici deux émissions culturelles à écouter sur Radio Canada

Dis mois ce que tu lis

Il restera toujours la culture

Par Valeria L. et Christine N. (bibliothèque Jacqueline Dreyfus-Weill) et Alice B. (bibliothèque Vaclav Havel).