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La Ville sans juifs


Hugo Bettauer (1872-1925). Auteur

Edité par Balland - paru en 1983



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La ville sans Juifs : un roman d'après-demain

Hugo Bettauer (1872-1925). Auteur - Belfond - DL 2017

[Vintage] (Paris. 2012)

Afin de permettre aux aryens de prendre leur essor, les Juifs sont expulsés d'Autriche. Di...

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  • La ville sans juifs 5/5

    Merci aux critiques littéraires du Canard Enchaîné et de Télérama qui m'ont donné l'envie de découvrir ce livre à l'occasion de sa réédition! Je l'ai dévoré et lui aurais volontiers attribué 10 étoiles si cela avait été possible. Ecrit en 1922, soit une dizaine d'années avant qu'Hitler ne s'empare du pouvoir en Allemagne, 'La ville sans juifs" est un livre prémonitoire qui prouve que les théories nazies étaient déjà largement répandues dans la société autrichienne. C'est même très vraisemblablement pour cela que Hugo Bettauer - né à Vienne - a jugé nécessaire de les brocarder en proposant à ses concitoyens cet ouvrage qui a pris depuis une résonance toute particulière. L'idée de son roman est fort simple. Il s'agit de démontrer par l'absurde que les autrichiens d'origine juive ne sont pas responsables des problèmes auquel le pays est confronté et que, loin d'améliorer la situation, leur départ ne va faire qu'aggraver les choses. Son récit commence donc par leur expulsion, sur l'ordre d'un chancelier fictif (et sous prétexte qu'ils empêchent les "autochtones" autrichiens de se développer et s'épanouir...), d'Autriche et notamment de Vienne où se déroule l'essentiel de l'histoire. Celle-ci se compose d'une succession de tableaux qui nous montrent les effets de cette décision sur la population et en particulier sur Léo Strakosch (jeune graveur juif) et Lotte Spineder (jeune fille de bonne famille et de religion chrétienne), des Roméo et Juliette viennois dont les amours contrariées jouent un peu le rôle de fil conducteur. L'atmosphère est d'abord à la joie et l'allégresse. Les viennois se félicitent de trouver des logements vacants et de récupérer les emplois des juifs. L'Etat confisque une partie des biens des expulsés et les spéculateurs se frottent les mains. Seuls quelques grincheux trouvent motif à se plaindre : un député qui a voté la loi se rend compte un peu tard que son gendre est un juif converti et que ses petits enfants vont devoir le suivre en exil, un avocat antisémite se plaint d'avoir perdu ses bouc-émissaires favoris et des femmes de petite vertu regrettent une clientèle fidèle et généreuse. Et puis, petit à petit, les choses s'enveniment. La vie culturelle et intellectuelle disparaît. L'inflation s'installe, l'économie est en berne et l'avenir s'annonce sombre. La presse, les hôtels et les stations de vacances souffrent financièrement. Les commerçants peinent à gagner leur vie, les entrepreneurs font faillite, les ouvriers pointent au chômage et tous regrettent bientôt l'atmosphère de gaieté et de prospérité qui avait cours du temps des juifs. Le déclin économique est si ample qu'un mouvement populaire va se lever pour demander le retour des Juifs. Le livre de Bettauer est une satire extrêmement corrosive. le trait peut parfois même paraître outrancier. Mais en montrant ses compatriotes viennois aussi démunis après le départ des juifs Hugo Bettauer ne fait que démontrer la stupidité du discours antisémite. Il se moque également de l'aspiration des autrichiens - qui sera aussi celles des nazis - à un retour aux traditions germaniques et campagnardes. On ne s'habille plus qu'en loden ou en flanelle, on ressort les costumes tyroliens et bientôt la capitale prend des allures de grand village, un peu comme si avec le départ les juifs, l'esprit viennois et le rayonnement international de la ville s'en étaient allés. Mais satire et dérision ne veulent pas nécessairement dire légèreté. L'humour n'enlève rien à la gravité des faits dénoncés et derrière la farce transparaît toute l'ignominie de l'idéologie nazie. On retrouve dans la bouche des dirigeants et des gens du peuple sa rhétorique assassine (la juiverie internationale, le complot maçonnique, la définition de ce qu'est un aryen de souche…) et, même s'il n'est pas question de solution finale, il est tout de même prévu de supprimer les juifs qui ne quitteraient pas le pays ou tenteraient d'y revenir. Le roman de Bettauer se termine néanmoins par une happy-end et une vision de l'avenir plutôt optimiste. L'histoire lui donnera malheureusement tort. Hugo Bettauer, juif de naissance mais qui s’était converti auprès de l’Eglise évangélique pour intégrer les chasseurs impériaux, sera assassiné par un jeune nazi en mars 1925. Son fils mourra près de vingt ans plus tard à Auschwitz et des millions de ljuifs d'Europe subiront le sort que l'on sait.. Merveilleusement bien écrit (contrairement à ce qu'affirme la préface), un style fluide, des mots simples pour des événements épouvantables et effrayant par son côté politique fiction devenu réalité, ce livre mérite amplement d'être recommandé alors que nous vivons une triste époque où le racisme ronge à nouveau notre société. Et encore d'autant plus qu'en Autriche, un parti d'extrême droite vient d'entrer au gouvernement et y détient 3 ministères!

    ACZ - Le 23 décembre 2017 à 11:39