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Réquiem pour une révolution : le grand roman de la révolution russe
Edité par Éd. Baker street - paru en impr. 2014
De retour à Petrograd, à l'aube de la révolution d'Octobre, Alexander Til assiste à l'apparition d'une nouvelle ère. Voyant la population opprimée et ses idéaux piétinés avec la montée au pouvoir du dictateur Joseph Staline, il est amené à se confronter avec ce dernier.
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Une désillusion de l'homme rouge
Si la qualité d'un roman historique consiste en l'intégration de ce qui relève du contexte historique et du fictionnel, ce 'Requiem pour une révolution' est une réussite exemplaire du genre, tant ces deux éléments constitutifs s'y trouvent fusionnés, sans que l'un domine l'autre ou que les deux se déroulent en parallèle mais sans vraiment se rencontrer, comme c'est trop souvent le cas. On a beau connaître l'histoire russo-soviétique de 1917 à la fin de l'ère stalinienne, la façon dont elle est vécue ici, à travers l'expérience de multiples personnages, mais surtout en suivant le parcours de Sander, jeune militant bolchévique très convaincu rentré des États-Unis (où sa famille avait émigré quand il était enfant) précisément pour faire la révolution, lui donne une tout autre proximité. Convaincu, Sander l'est jusqu'à ce qu'au gré de ce qui arrive à ses amis et à lui-même, le doute finisse par s'imposer... Les grands faits (prise du Palais d'hiver etc.), loin de tout aspect plaqué ou scolaire, sont là du point de vue des protagonistes romanesques, y compris la fin incroyable, vraiment digne du côté romancier d'espionnage de Littel et des libertés qu'il se donne en tant qu'auteur de fiction historique - et qu'il ne faut surtout pas dévoiler ici. Et l'on suit ces étapes connues "comme un roman", littéralement. Les figures historiques (Trotsky, Lénine, Nicolas II et sa famille, toute une pléiade de dirigeants soviétiques jusqu'à Staline, Beria et autres Khrouchtchev) sont intégrées à la narration et côtoient les personnages de la fiction, sans rien d'artificiel mais d'une façon très logique et même assez virtuose. On est frappé par l'intimité de Robert Littell avec la mentalité russe et sa connaissance familière du soviétisme, comme de l'intérieur. Y compris cette forme d'humour désespéré si particulier. On jurerait qu'il a passé quelques années dans un appartement communautaire à Moscou ou Leningrad. On retrouve aussi l'importance des figures d'artistes dans sa fiction (cf. Le Cercle Octobre), en particulier sa passion pour la poésie russe, présente dans plusieurs de ses ouvrages ( de 'Vladimir M' à 'Ombres rouges').Ce livre (re-)pose, entre autres grandes questions, une qui est fondamentale : la révolution bolchévique a-t-elle "mal tourné" (à travers le stalinisme) ou était-elle d'emblée destinée à déboucher sur la dictature (et pas celle du prolétariat!) ? Il fournit chemin faisant des éléments pour y répondre par soi-même, nourris par la connaissance profonde de l'auteur. Des enjeux brûlants, encore et toujours. Enfin il ne faut pas perdre de vue, pour un lecteur d'aujourd'hui, que ce roman a paru non pas quelques années après la chute du bloc communiste, mais en 1988, et qu'il n'en prend que plus de valeur. Bonne traduction.
Renzo Pianissimo - Le 09 février 2020 à 10:43