Sélection C'est quand le bonheur ?
Êtes vous heureux.se ? A quand remonte votre dernière sensation de bonheur ? Aussi indéfinissable que multiple, le bonheur se donne à lire dans notre sélection de livres à emprunter en bibliothèque...
Depuis 2012, la Journée mondiale du Bonheur, instituée par l’UNESCO, nous rappelle la vocation de cet organisme à améliorer le sort des populations. Un indice du bonheur a même été créé à partir de données économiques et d’enquêtes d’opinion afin d’établir un classement des pays.
Le bonheur est-il quantifiable ? Est-il de la responsabilité de l’État ou de l’individu ? Si les conditions matérielles jouent un rôle indéniable, elles n’expliquent pas tout pour autant car la notion de bonheur a une dimension philosophique. Et il faut distinguer le bien-être du bonheur.
Certains manuels prodiguent conseils et recettes pour atteindre une forme de bonheur à travers la réussite sociale et désignent l’individu comme seul responsable de son épanouissement. Yves Cusset, philosophe, a dénoncé dans un pastiche brillant : « Réussir sa vie du premier coup » la faiblesse des manuels de développement personnel. L’universalité des conseils donnés prête le flanc à la critique car le bonheur est une expérience subjective difficilement modélisable. Le bonheur est “une eau qui épouse diverses formes mais qu’aucune forme n’épuise” (Pascal Bruckner dans l’Euphorie perpétuelle, Grasset, 2000)
Le bonheur pourrait se définir aussi comme un état de disponibilité et d’ouverture aux autres et au monde : “Veux ce qui arrive comme il arrive et tu couleras des jours heureux” (Épictète). L’adversité est accueillie, et l’esprit cherche le repos dans la contemplation. Cette philosophie épicurienne a inspiré bien des auteurs du XVIIIème siècle « Ceux-ci (…) ne cessent de tendre à développer une philosophie du plaisir, une intelligence du désir, un génie du moment » souligne Chantal Thomas dans son anthologie : Un air de liberté. Variations sur l’esprit du XVIIIème siècle.
On pourrait citer ce passage de la correspondance de Madame de Sévigné évoquant la mort de son cousin : « Lors de son soixante-seizième anniversaire il chante et danse, envisage de parvenir centenaire si difficulté aucune. Ensuite, il mange et boit, et chante et danse encore. Et c’est ainsi qu’il disparait ». Cet hédonisme joyeux inspire Françoise Héritier dans son court essai : Le sel de la vie (Odile Jacob, 2004) qui recense les plaisirs de toutes natures qui ont illuminé sa vie.
La littérature n’a pas pour seule vertu de nous distraire de nos malheurs. Elle nourrit notre réflexion sur l’existence en ce sens qu’elle place le temps au cœur de son processus de création. Pas de récit possible sans le recul du temps. Cette mise en perspective est nécessaire pour faire le tri dans nos expériences. Par ailleurs, le témoignage des écrivains nous aide à dépasser la perte. L’écriture lui donne du sens et la transfigure par le style. Qu’on pense aux Mémoires d’Hadrien de Marguerite Yourcenar ou à la Recherche du Temps perdu de Marcel Proust.
Toutes les fictions nous rappellent notre humanité commune et nous aident à décrypter nos affects en réunissant de la sorte intellect et émotions. C'est ainsi que Marc-Alain Ouakin a pu donner à son essai : Bibliothérapie : Lire, c'est guérir (Seuil, 1994).
Si un seul livre ne peut garantir le bonheur à coup sûr, la fréquentation des bibliothèques est à n’en pas douter une saine activité.
« Il n’y a pas de chemin vers le bonheur, le bonheur est le chemin ». Lao Tseu (VIème s. avant J.C).