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• De la belle littérature 5/5

  Maylis de Kerangal est de retour ! Depuis "Réparer les vivants", je n'avais plus rien lu de cette autrice. Dans "Jour de ressac", sa qualité d'écriture donne à son récit une texture unique. Finesse de la langue, acuité des portraits, vivacité des réflexions , poésie des descriptions et cette atmosphère de roman noir qu'elle installe au fil des pages : un art parfaitement maîtrisé. Dans ce roman, le personnage féminin principal a les traits d'une doubleuse, d'une fabricante de voix. Originaire du Havre, elle vit dorénavant à Paris avec son mari et sa fille, et n'a plus de raisons de retourner dans la ville de sa jeunesse. C'est une femme dans la force de l'âge dont l'existence est bouleversée le jour où un officier de police lui annonce qu'on a retrouvé son numéro de portable dans la poche d'un homme mort gisant sur une plage du Havre. Pour la police, c'est une victime collatérale du trafic de stupéfiants. Pour elle, c'est peut-être le fantôme d'un amour de jeunesse. Elle se rend donc au Havre et pendant une journée, elle va convoquer ses souvenirs d'enfance, elle va rencontrer des personnages emblématiques et toujours, son présent reste inscrit dans ses pensées. Un café, un cinéma, la plage, la digue, les rues qui se ressemblent toutes, le port et les porte-containers qui passent au loin, le ciel, les mouettes… un paysage qui la guide et ravive ses souvenirs, ceux des amitiés, ceux d'une dame interrogée sur la destruction de la ville en 1944, ceux d'un premier amour… "Jour de ressac", c'est aussi le roman du Havre, ville détruite sous les bombardements alliés à la fin de la Seconde Guerre mondiale, ville rebâtie sans charme. La narratrice reste réaliste sur la grisaille et l'industrie qui habitent le Havre sans que son amour pour la ville ne puisse être remis en cause. "Jour de ressac", c'est aussi un roman qui aborde sans fard, mais avec émotion, les sujets d'actualités, ceux qui annoncent, qui marquent déjà l'évolution de notre société et de notre rapport aux autres. Toute la beauté de ce livre, c'est d'entretenir le mystère sur l'identité du défunt et de nous abandonner à l'errance volontaire de la conteuse, quitte à provoquer le trouble et à laisser la vérité s'évanouir. De la belle littérature.

  ACZ - Le 14 octobre 2024 à 21:06