Sélection Viva Varda !
Agnès Varda se fait face à elle-même dans une scène du film "Visages, Villages" (2017)
Du 11 octobre 2023 au 28 janvier 2024, la Cinémathèque française met Agnès Varda à l’honneur avec une grande exposition qui lui sera consacrée. L’occasion pour les bibliothèques parisiennes de mettre en avant cette grande artiste qui fut non seulement une immense cinéaste, pionnière et avant-gardiste, reconnue et célébrée dans le monde entier, mais aussi une grande photographe, une artiste plasticienne de talent et une militante féministe.
Agnès Varda est souvent associée aux cinéastes de la Nouvelle vague. Elle en est surtout l’annonciatrice puisque son premier film, La Pointe courte, bijou d’amateurisme novateur fait de simplicité et de sincérité, sortira 5 ans avant A bout de souffle. Le premier film de la Nouvelle Vague est donc l’œuvre d’une femme !
Pourtant, elle se distingue assez vite des Godard, Truffaut, et autres Chabrol. Contrairement à eux, elle ne vient pas de la cinéphilie, mais de la photographie (comme on le verra plus loin) et elle est surtout très proche d’Alain Resnais (qui sera monteur sur La Pointe courte) et de Chris Marker. Avec ces derniers et Jacques Demy ils formeront plutôt ce que l’on appellera le cinéma de la « Rive gauche ».
Après ce premier film, c’est avec des courts-métrages qu’Agnès Varda se signalera, courts où l’on retrouve déjà son style fantaisiste, visionnaire et plein d’humour. Cependant, c’est en 1962 avec son deuxième long métrage, Cléo de 5 à 7, qu’elle se révèle à la critique et au public. Action en temps réel, importance de la musique et des chansons (composées par Michel Legrand), là encore Agnès Varda innove et marque sa singularité : parler de choses graves avec légèreté.
Les années 70 et 80 seront celles de sa consécration, mais aussi celles de son engagement avec des films plus politiques. En 1977, L’Une chante l’autre pas aborde la question de l’avortement. Surtout, en 1985 sort Sans toit ni loi, film qui traite de la précarité et des sans-abri et qui sera le plus grand succès public de la cinéaste. Avec ce film, Agnès Varda fait de nouveau montre de son avant-gardisme puisqu’il est composé d’interviews retraçant le parcours du personnage principal incarné par Sandrine Bonnaire, le tour narré en voix off par Agnès Varda d’un ton neutre rappelant le Nouveau Roman de Nathalie Sarraute et Alain Robbe-Grillet.
Dans les années 90, si elle réalise encore deux films de fiction, dont Jacquot de Nantes, qui raconte l’enfance de son mari Jacques Demy, c’est vers le cinéma documentaire qu’elle se tournera.
C’est en effet une part moins connue de sa carrière de cinéaste mais tout aussi fondamentale, Agnès Varda a toute sa vie réalisée des films documentaires (ou des fictions à la limite du genre). Ces films sont eux aussi marqués du sceau de l’innovation, de la curiosité et de l’humanisme.
Deux longs séjours aux États-Unis, entre 1968-1970 et entre 1979-1981 donneront, entre autres, naissance à deux grands films, Black Panthers en 1968 sur le célèbre mouvement révolutionnaire des Afro- Américains, et Mur murs en 1981 sur des peintures murales à Los Angeles faites par des Latino-Américains.
Cependant, c’est à partir des années 2000 qu’elle signera ses documentaires les plus connus. En 2000, sort Les glaneurs et la glaneuse, film sur la pratique populaire du glanage où elle se met en scène (La glaneuse du titre, c’est elle). Elle sera au cœur d’autres de ses films documentaires, mais surtout en 2008 de son chef-d’œuvre, Les Plages d’Agnès, film autobiographique où elle retrace son parcours et les rencontres qui ont émaillées sa vie. Ce film avec lequel elle connaitra le succès lui vaudra de multiples récompenses dont le César du meilleur film documentaire.
Cinéaste reconnue, c’est pourtant par la photographie qu’Agnès Varda a commencé sa vie professionnelle. Cet art sera d’ailleurs un des fils conducteurs de ses premières œuvres cinématographiques, notamment avec le bien nommé Daguerréotypes, film documentaire sur les habitants de la rue Daguerre où elle avait son atelier.
C’est en 1949 que tout commence pour elle quand elle devient la photographe officielle du Théâtre National Populaire de Jean Vilar. Par la suite, elle prendra l’habitude de faire des repérages photographiques pour tous ces premiers films. Elle fera de la photographie jusqu’à la fin des années 60 et son premier départ pour les États-Unis. En 2007 ces photos du festival d’Avignon seront exposées en hommage à Jean Vilar.
A partir des années 2000, elle commencera une carrière d’artiste plasticienne, avec en 2003 une première installation à la Biennale de Venise, mais surtout une grande exposition en 2006 à la Fondation Cartier à Paris, où son travail s’interroge sur le rôle de l’image. Jusqu’au bout la photographie aura donc été centrale dans son œuvre. En 2014, le LACMA (Musée d’art du comté de Los Angeles) lui confiera une carte blanche.
Enfin, il était difficile de parler d’Agnès Varda sans évoquer son engagement humaniste et surtout féministe. Elle a non seulement accompagné les mouvements contestataires (Black Panthers), mais s’est surtout investie dans la lutte pour le droit des femmes. Elle fut, entre autres, l’une des signataires du « Manifeste des 343 » et le combat féministe irrigue toute son œuvre.
Artiste visionnaire, humaniste, féministe, engagée, vous pourrez retrouver tout cela grâce à la sélection de documents que vous proposent les bibliothèques du réseau parisien.