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Prix des lecteurs Interviews des auteurs et autrices sélectionné.e.s
Dans le cadre du Prix des lecteurs et lectrices des bibliothèques de la Ville de Paris, les cinq auteurs et autrices sélectionné.e.s ont répondu à quelques questions autour de leur premier roman et de leurs habitudes de lecture.
Prix des lecteurs Interviews des auteurs et autrices sélectionné.e.s
Le 21 mai, les 5 auteurs et autrices sélectionné.e.s pour le prix des Lecteurs des bibliothèques participaient à un rencontre en ligne, modérée par Catherine Pont-Humbert, journaliste littéraire. Revivez cette rencontre en vidéo ci-dessous.
Crédit : Olivier Roller
Fatima Daas
autrice de La petite dernière ( Ed. Notabilia - 2020)
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Pouvez-vous résumer en quelques phrases votre roman ?
La petite dernière raconte la quête identitaire de Fatima qui ne se sent à sa place nulle part. Cette jeune femme est la petite dernière de la fratrie, la seule de sa famille à être née en France. Elle est d’origine algérienne, elle souffre d’asthme, elle est clichoise, banlieusarde, lesbienne et musulmane. Ce roman parle du rapport à l'homosexualité, au genre, à la famille, à l’amitié, à la foi, à l’amour.
C’est une première publication, mais écrivez-vous depuis longtemps ?
J’écris depuis l’adolescence. Depuis une quinzaine d'années. Je crois qu’on n’écrit jamais depuis suffisamment longtemps.
Quand vous avez appris que vous étiez sélectionné pour le Prix des lecteurs des Bibliothèques de la Ville de Paris, quelle a été votre réaction?
J’ai été très heureuse et très fière. Ça m'a aussi donné très envie de commencer à écrire le deuxième livre, roman....
Fréquentez-vous une bibliothèque ou une médiathèque ?
Très peu aujourd'hui. Adolescente je fréquentais la bibliothèque de ma ville.
Avez-vous une librairie préférée ? Laquelle ?
Je pourrais citer la librairie Violette & co (Paris,11e) ou les Mots à la bouche (Paris,11e) mais j'en aime plusieurs, j’ai adoré faire des rencontres littéraires chez Les Parleuses à Nice, j’ai aimé célébrer le prix des Inrocks à la librairie ICI (Paris, 2e)....
Quel.le est l’auteur ou l'autrice que vous préférez ? Pourriez-vous donner des pistes de lectures de cet.te auteur / autrice ?
Pour citer une autrice vivante je dirais : Annie Ernaux, La place, Passion Simple, Journal du dehors, se perdre, la honte, l'écriture comme un couteau.
Est-ce qu’il y a un premier roman qui vous a marqué dans vos lectures ou votre vie ?
Récemment le roman de Nesrine Slaoui: Illégitimes (Fayard, 2021) qui raconte la construction d'une fille d'immigrés.
Crédit : Le tripode
Oliver Mak Bouchard
auteur de Le dit du Mistral (Ed. Le Tripode, 2020)
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Pouvez-vous résumer en quelques phrases votre roman ?
Le lendemain d’un orage particulièrement violent, un vieux paysan du Luberon vient frapper à la porte du narrateur. La pluie a mis à jour des vestiges dans le champ mitoyen. Les deux hommes décident d’entreprendre une fouille archéologique clandestine. C’est le début d’une amitié, d’une transmission mais aussi d’un voyage : de découverte en découverte, leur quotidien se réenchante pour flirter avec la poésie.
C’est une première publication, mais écrivez-vous depuis longtemps ?
J’ai commencé ce roman il y a treize ans. J’ai arrêté a de nombreuses reprises car je n’y croyais pas, ou plus. Et puis il y a quatre ans, suite a un évènement dans ma vie personnelle, je m’y suis consacré chaque soir.
Quand vous avez appris que vous étiez sélectionné pour le Prix des lecteurs des Bibliothèques de la Ville de Paris, quelle a été votre réaction ?
Un mélange de sérénité et joie. Lorsque nous avons décidé de publier le livre, mon éditeur et moi avions peur que ce livre soit simplement reçu comme un roman de terroir, régionaliste. La nomination à ce prix est un beau pied-de nez aux vérités établies qui voudraient que les parisiens lisent certains livres et les gens de ma région en liraient d’autres.
Fréquentez-vous une bibliothèque ou une médiathèque ?
Le Mechanic’s Institute à San Francisco Downtown. C’est assez rigolo : c’est un endroit qui est à moitié bibliothèque municipale, et à moitié club d’échecs. Les amoureux du silence. Je peux vous dire que vous n’avez pas intérêt à faire un bruit !
Avez-vous une librairie préférée ? Laquelle ?
Le Book Passage dans le Ferry Building a San Francisco. J’y attends mon ferry tous les jours après le travail. Il y a une vue magnifique sur la baie. Et comme il y a une poissonnerie juste a coté, il y a toujours plein de chats. Des livres, des chats et la beauté à contempler, que demander de plus.
Quel.le est l’auteur ou l'autrice que vous préférez ? Pourriez-vous donner des pistes de lectures de cet auteur / autrice?
Je dirai Haruki Murakami. J’aime sa capacite à créer des univers, à y plonger en apnée et puis nous ramener lentement à la surface. Lorsqu’on finit un de ses livres, vous avez un sentiment étrange, entre cloche de décompression et décalage horaire. Commencez par Kafka sur le rivage, si vous avez envie d’une grande claque. Ou La ballade de l'impossible si vous préférez y aller tout doucement.
Est-ce qu’il y a un premier roman qui vous a marqué dans vos lectures ou votre vie ?
Question difficile : dans les livres que j’ai lus, je ne sais pas spontanément qui est premier roman ou pas. Allez, joker : je dirai Le Grand Meaulnes. Comme ça a été le seul et unique livre d’Alain-Fournier, je ne prends pas de risque. Paradoxalement je l’ai découvert assez tard dans ma vie : je suis une tête de mule et il suffit que quelqu’un me dise « tu devrais lire Untel » pour que je ne le lise pas. Bref, tout le monde me disait de le lire et évidemment je le poussais en bas de la pile. Jusqu’au jour ou… J’ai percuté tout de suite avec son jeu des frontières Rêve/Réalité et Enfance/Adolescence. Et forcément une fois terminé, je me suis dit « mais comment est-ce que c’est possible que je ne l’aie pas lu plus tôt ».
Crédit : DR/LA MANUFACTURE DE LIVRES
Laurent Petit Mangin
auteur de Ce qu'il faut de nuit (Ed. La Manufacture de livre, 2020)
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Pouvez-vous résumer en quelques phrases votre roman ?
L’histoire d’amour entre un père et ses deux fils, une histoire fortement contrariée, mais un grand amour au-delà de tout.
C’est une première publication, mais écrivez-vous depuis longtemps ?
J’écris depuis dix ans. Dans mon ordinateur, j’ai beaucoup de récits amorcés, des scènes que j’avais envie d’écrire. Pour beaucoup, cela n’ira pas plus loin (mais j’ai eu plaisir à les écrire).
Quand vous avez appris que vous étiez sélectionné pour le Prix des lecteurs des Bibliothèques de la Ville de Paris, quelle a été votre réaction?
C’est évidemment une fierté de figurer sur pareille liste. C’est aussi une réassurance. Cela ancre l’idée que tout ce qui se passe autour de Ce qu’il faut de nuit est peut-être vrai. Et ce serait un vrai plaisir de succéder à Olivier Dorchamps.
Fréquentez-vous une bibliothèque ou une médiathèque ?
Je suis un grand collectionneur de livres. Désormais, je fréquente davantage les librairies. Deux bibliothèques m’ont été absolument INDISPENSABLES : celle de mon village, à Longeville-les-Metz. J’y allais deux fois par semaine. Les livres s’empruntaient dix centimes, et je revenais avec des sacs pleins de BDs et de romans d’aventure. Et celle d’Air France, à l’aéroport, idéalement située entre cantine et cafeteria, où la bibliothécaire m’apostrophait : « Ah ! Monsieur Petitmangin, aujourd’hui il faut que vous me lisiez cela ! »
Avez-vous une librairie préférée ? Laquelle ?
Je n’ai pas de librairie préférée. J’aime au contraire, au hasard de mes promenades, rentrer dans une librairie. Observer son agencement, ses meubles, son éclairage. Ses thématiques (j’adore les thématiques, c’est mon côté collectionneur compulsif qui s’en nourrit) et les livres qu’elle recommande. Je sors rarement sans un livre, et souvent, longtemps après, quand je le lis, je me souviens où je l’ai acheté. Pour les livres anciens, j’aime beaucoup la librairie Vignes (que cela les encourage à me faire des petites remises !)
Quel.le est l’auteur ou l'autrice que vous préférez ? Pourriez-vous donner des pistes de lectures de cet.te auteur / autrice ?
Paul Auster. Parce que c’est New York, parce qu’il y a ces histoires dont on pressent le tragique dès les premières lignes, mais qu’on lit quand même. Chacun de ses textes amènera les lecteurs et lectrices à en découvrir d’autres. C’est un cheminement, entre Brooklyn et Washington Heights.
Est-ce qu’il y a un premier roman qui vous a marqué dans vos lectures ou votre vie ?
Longtemps, je me suis couché de bonne heure…
Crédit : (c) Franck Beloncle/Leextra/Liana Levi
Dany Héricourt
autrice de La cuillère (éd. Liana Levi, 2020)
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Pouvez-vous résumer en quelques phrases votre roman ?
Seren, dix-huit ans, vit dans un hôtel au Pays de Galles avec ses parents et ses grands-parents. Elle dessine. Pour passer le temps, esquiver l’avenir, éviter de se joindre aux autres “Galloises en forme de poire” sur les plages du Pembrokeshire. Quand son père meurt brusquement. Sur la table de chevet à côté de la dépouille : une cuillère singulière dont l’origine va obséder Seren. Le soir même, un terril virtuel s’installe dans sa poitrine. Un terril avec lequel il faudra cohabiter, quitte à l’ignorer.La Cuillère dans son sac, au volant de la Volvo paternelle, Seren prend la route. Direction la France. Où il sera question des origines de la cuillère, d’apprivoiser une langue qui n’est pas la sienne, de ligne de démarcation et de champignons hallucinogènes, d'amour, de deuil et de consolation.
C’est une première publication, mais écrivez-vous depuis longtemps ?
J’ai longtemps écrit en anglais, des nouvelles, deux romans non publiés, des poèmes. Puis, en français, un petit livre de gages et de nouvelles érotiques dans le cadre d’un jeu érotique (Marabout éd.), un manuel de yoga pour enfants (Almora éd.), et un carnet permettant aux grand-mères de transmettre leurs petites et grandes histoires (Marabout éd). Je collabore également à l’écriture de scénarios et de chansons.
Quand vous avez appris que vous étiez sélectionné pour le Prix des lecteurs des Bibliothèques de la Ville de Paris, quelle a été votre réaction ?
J’aurais aimé faire une série de triples saltos arrière dans la rue, n’étant pas gymnaste, je me suis contentée de crier « Yipppeeee ! ». Je suis émue, reconnaissante.
Fréquentez-vous une bibliothèque ou une médiathèque ?
Grace à mon travail, je voyage beaucoup et quand je peux, j’aime entrer dans les bibliothèques. Actuellement à Prague, je passe souvent devant l’une des plus anciennes bibliothèques d’Europe. Elle est fermée, j’ai tant envie de la découvrir et de m’y asseoir. J’aime bien-sûr la bibliothèque des Lilas, où j’habite, ainsi que la médiathèque de Bagnolet. Mes enfants et moi y avons passé tant d’heures apaisantes et inspirantes. En arrivant à Paris, j’allais parfois travailler à la bibliothèque de Beaubourg, lieu de silence, dense, concentré. Lorsque j’étais enfant, nous vivions dans la brousse, ma mère avait créé une « bibliothèque » nomade, qui naviguait de maison en maison, l’occasion d’échanger les livres si précieux en notre possession. J’aime parcourir, à l’intérieur du livre, les dates ou les noms des personnes qui l’ont emprunté avant moi, l’objet passe de main en main, on le protège, on le préserve, qu’il puisse avoir une longue vie. J’aime aussi tomber sur les librairies de villages ou de petites villes. Cela me rassure, savoir que l’on encourage à lire, à s’ouvrir, à explorer.
Avez-vous une librairie préférée ? Laquelle ?
J’entre facilement dans les librairies, toutes confondues. J’y rencontre généralement une personne qui me conseille ou un livre. A Paris, je fréquente régulièrement les librairies Folies d’Encre, La Manœuvre, Le Merle Moqueur, Le Comptoir des Mots, l’Imagigraphe... les libraires de mon quartier.
Quel.le est l’auteur ou l’autrice que vous préférez ? Pourriez-vous donner des pistes de lectures de cet.te auteur / autrice ?
Cormac McCarthy – démarrer avec la Trilogie des Confins, poursuivre jusqu’à La Route.
Est-ce qu’il y a un premier roman qui vous a marqué dans vos lectures ou votre vie ?
En découvrant votre question, j’ai spontanément pensé à La Boîte en os, d’Antoinette Peské, roman gothique qui m’avait foudroyé, adolescente ; je viens d’apprendre que ce n’était pas le premier roman de cette poétesse peu connue ! Je me tournerai donc vers le premier roman de Jonathan Safran Foer, Tout est Illuminé, qui m’a… illuminé, et ne cesse depuis.
Crédit : (c) Francesco Gattoni
Annie Lulu
autrice de La mer Noire dans les Grands Lacs ( éd. Julliard, 2020)
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Pouvez-vous résumer en quelques phrases votre roman ?
« La mer Noire dans les Grands Lacs » est l’histoire de Nili. Nili est une jeune femme née en Roumanie à la fin de la dictature de Ceaucescu, d’une mère roumaine et d’un père congolais venu faire ses études en Europe de l’Est. Elle grandit seule avec sa mère, dans un environnement étouffant et parfois hostile. Jeune femme, elle décide d’aller en quête de son père et de le retrouver. Là commence son extraordinaire voyage humain, de Bucarest à Kinshasa puis jusqu’aux rives du lac Kivu. Le voyage qui fera d’elle une fille, une femme, une militante et une mère et qu’elle raconte à l’enfant sur le point de naître qu’elle porte dans son ventre.
C’est une première publication, mais écrivez-vous depuis longtemps ?
Quand j’avais onze ans, mes parents m’ont offert une machine à écrire électrique, car je disais déjà que je voulais écrire des livres. Ensuite, tout en continuant d’écrire de la poésie, la vie m’a menée vers d’autres horizons, jusqu’à ce que je décide de me consacrer entièrement exclusivement à l’écriture avec mon premier roman.
Quand vous avez appris que vous étiez sélectionné pour le Prix des lecteurs des Bibliothèques de la Ville de Paris, quelle a été votre réaction?
J’étais tout d’abord joyeusement surprise ! J’étais fière et heureuse de savoir que Nili, la protagoniste de mon premier roman, voyageait, qu’elle avait sa vie à elle maintenant, parce que des lecteurs avaient choisi de devenir de courageux passeurs de beautés que sont les livres, et l’avaient emmenée avec eux. J’en suis toujours émue.
Fréquentez-vous une bibliothèque ou une médiathèque ?
Durant près de quinze ans je suis allée à la bibliothèque municipale. C’était le portail vers moi-même, mon épanouissement, ma curiosité était sans cesse attisée par les beautés que j’y puisais. J’avais beaucoup de chance, car la médiathèque de la ville de banlieue parisienne où j’ai passé mon adolescence avait alors un magnifique rayon Poésie. J’ai décidé, à 14 ans et demi, en entrant au lycée, de lire tout le rayon poésie qui s’y trouvait dans l’ordre alphabétique. Artaud m’a dévorée ! J’ai découvert L’Ombilic des Limbes, Le Pèse-Nerfs, les Feuillets d’Hypnos de René Char, Moi, Laminaire d’Aimé Césaire, Jean Tardieu, Jules Supervielle, Marina Tsvetaieva, Jacques Dupin !! Mais l’édition de poche des poèmes de Paul Celan traduits par Jean-Pierre Lefebvre fut un choc. C’est un des premiers livres de poésie que j’ai achetés après l’avoir emprunté. Il m’accompagne quotidiennement depuis près de vingt ans.
Mon initiation musicale a aussi débordé de la maison vers la médiathèque : à la maison, le blues, la soul, le jazz, le sebene, les musiques africaines, les grands noms de la pop, les chansonniers français étaient présents depuis l’enfance ; à la médiathèque, j’ai découvert les plus grands créateurs du rock, je pouvais emprunter des disques de Nick Cave, Metallica, Leonard Cohen, Bauhaus, Tool, des disques de grunge, de hard rock, et découvrir d’autres musiques, par exemple une très belle découverte qui m’accompagne encore chaque semaine avant de relire un chapitre sur lequel j’ai travaillé est d’écouter les Madrigaux de Monteverdi, avec la voix sublime de Montserrat Figueras qui interprète La lamentation de la nymphe. Aujourd’hui, j’emprunte des romans et surtout des textes en version bilingue dans la bibliothèque de ma ville, en région parisienne : dernièrement , Les Cahiers de l’Herne consacrés à Ghérasim Luca, ou un texte de Garcia Marquez en espagnol.
Avez-vous une librairie préférée ? Laquelle ?
J’ai une affection particulière pour la librairie Millepages (Vincennes), et j’ai la chance d’habiter tout près ! C’est un lieu extraordinaire de profusion et de beautés immenses qui se révèlent lorsqu’on en saisit la tranche. L’accueil y est extraordinairement chaleureux et par des lecteurs passionnés.
Quel.le est l’auteur/ l'autrice que vous préférez ? Pourriez-vous donner des pistes de lectures de cet.te auteur/ autrice ?
Il n’y a pas un auteur que je préfère, mais plusieurs, qui m’ont marquée et influencée chacun à leur manière. Parmi les romanciers, Gabriel Garcia Marquez a creusé un sillon particulier : j’ai compris qu’on pouvait s’affranchir totalement de la réalité dans un récit sans se diriger vers le fantastique, ça a été précieux, ce seuil toujours au bord du réel chez lui. Il n’y a pas longtemps, j’ai continué à découvrir des textes de Garcia Marquez qui après la lecture de Cent ans de solitude ne m’avaient pas attirée à eux.
Très récemment, après avoir terminé d’écrire mon premier roman, j’ai réalisé que Jean Giono était le romancier que j’avais le plus lu et relu depuis l’adolescence, et que Les grands Chemins ou Noé avaient complètement imprégné ma recherche créative en tant qu’écrivain ! Y compris cette figure symbolique de l’olivier récurrente dans son oeuvre et qui représente la littérature, il y a la permanence un peu obsessionnelle de la présence de l’eau dans mon travail (la mer, le fleuve, le lac) qui répond à ce motif que je connaissais chez Giono depuis l’adolescence. Lorsque je m’en suis rendue compte, ça m’a fait un truc : je n’avais pas compris l’importance de Giono déjà en tant que lectrice, son antériorité, le fait qu’il était le romancier dont j’avais le plus exploré le travail. J’étais persuadée que Dostoïevski, Toni Morrison et Tchicaya U’Tamsi étaient mes deux piliers de création. Et non ! Plus tardivement, j’ai découvert les magnifiques romans et nouvelles d’Aharon Appelfeld : « Mon père et ma mère » m’a bouleversée.
Est-ce qu’il y a un premier roman qui vous a marqué dans vos lectures ou votre vie ?
Ce sont essentiellement les oeuvres poétiques qui m’ont marquée, façonnée, nourrie, et c’est toujours le cas. Mais en y regardant de plus près, je me rends compte que ce sont plutôt les deuxièmes romans qui m’ont marquée ! Je crois que « Cent ans de solitude » est le deuxième roman de Gabriel Garcia Marquez, de même que « Que ma joie demeure » est le deuxième roman de Jean Giono, non ? Cependant, « L’oeil le plus bleu », le premier roman de Toni Morrison, que j’ai lu dans sa version originale à l’âge de 18 ans m’a beaucoup marquée, m’a fait me déplacer à un endroit que je n’imaginais pas en littérature.
Ce n’est qu’après avoir écrit mon premier roman que j’ai réalisé les influences précieuses et souvent inattendues de chaque écrivain que j’ai lu adolescente sur mon travail. Il a fallu des années pour que je comprenne que le foisonnement végétal de cette langue profuse que je cherche en permanence, on le trouve en partie dans « Cent ans de solitude » ; et ces images percutantes qui ne vous laissent pas dormir que j’essaie de partager avec le lecteur, c’est un peu l’héritage de « The bluest eye » de Toni Morrison.
Mais s’il y avait un seul premier roman, qui m’a marquée à vie : il s’agit sans aucune hésitation de « La vie et demi » de Sony Labou Tansi.