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Livre
Shuggie Bain
Edité par Globe - paru en DL 2021
Dans un quartier délabré de Glasgow dans les années 1980, Agnes Bain cherche du réconfort dans l'alcool. L'un après l'autre, tous ses proches l'abandonnent sauf Shuggie, son fils de 8 ans, qui lui porte un amour inconditionnel. Mais le petit garçon, en proie lui-même à des difficultés psychologiques, n'est pas épargné par le voisinage. Booker Prize 2020. Premier roman. ©Electre 2021
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Roman social
Voici quelques jours que j’ai refermé ce livre et je ne suis pas encore remise de ma lecture de ce roman social. Nous sommes dans le nord de l’Angleterre, plus précisément en Écosse, au début des années 80, quand les mines ont fermé les unes après les autres, laissant des milliers de travailleurs sur le carreau et des familles entières désœuvrées. Le gouvernement d’une certaine Dame de fer n’a rien fait pour accompagner cette tragédie. Ce n’est pas sans rappeler les films que Ken Loach a tiré de cette période et de ces territoires. Douglas Stuart nous livre ici un roman dur, cru, sans filtre, parfois violent , mais l’écriture est telle qu’on s’accroche à ces pages pour savoir ce que va devenir ce petit Shuggie Bain. Hugh Bain, alias Shuggie, est le fils d’Agnès et de Shug. Elle est belle, toujours apprêtée dans ces banlieues miséreuses de Glasgow, arrivant à maintenir sa maison propre malgré son état. Agnes est malade, l’alcool. Trompée, violentée, trahie, abandonnée, elle a pris l’habitude de noyer son désarroi dans la bière et/ou la vodka, pour « éloigner la laideur et la solitude ». Shug fait partie de ses pères absents, violents et menteurs. Au milieu de tout cela, Shuggie tentera de sauver celle qu’il aime plus que tout malgré les crises, les colères, les abandons. Jusqu’au bout, cet enfant sensible l’accompagnera d’un amour désespéré, sans faille, s’occupant d’elle après des scènes de beuveries qui la laisse dans un état indescriptible. Il y a visiblement beaucoup de l’auteur dans ce roman qui aurait pu être déprimant, mais qui est juste magnifique, bouleversant et émouvant. Tout cela à la fois parce que Douglas Stuart retranscrit de façon simple et authentique une réalité dramatique. C’est un regard d’enfant qui est porté sur ces quartiers délaissés de tous : la crasse, la moisissure, la boue, les tickets des alloc qui servent à acheter de la bière plutôt que de la nourriture. Au delà de ces « aspects matériels », il y a aussi et surtout le regard acerbe de cet enfant « pas net » qui a bien compris qu’il ne devait rien attendre du système social ni même scolaire. Et c’est presque ça qui fait le plus mal ! Au mieux l’ignorance des adultes devant ce que l’on qualifierait aujourd’hui de harcèlement, au pire leur assentiment à laisser faire, voire à contribuer à rendre la vie de Shuggie encore plus insupportable. Et au milieu de tout cela, ce qui reste de la cellule familiale déglinguée, ces deux personnages qui donnent toute la force à cette histoire. Agnès que l’on a envie de maudire, de secouer mais à qui on s’attache malgré tout, impuissants à la voir se consumer et Shuggie, petit père courage qui devient adulte avant même d’être adolescent. Roman-témoignage bouleversant !
Karine DAVID - Le 24 août 2022 à 16:47