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Musique
6 introduttioni teatrali
Edité par Believe - paru en P 2025
Trente ans après un premier album dédié à Locatelli (1995), Fabio Biondi et ses amis d'Europa Galante proposent un visage plus intrigant de ce compositeur originaire de Bergame, et disciple de Corelli. À la croisée du concerto grosso et de la sinfonia d'opéra, les six Introduttioni teatrali s'apparentent à de petites scènes dramatiques, subtiles et troublantes. Célèbre dans l'Europe musicale des années 1720 pour ses prouesses extravagantes au violon, Pietro Antonio Locatelli (1695-1764) laisse un ensemble d'oeuvres admirable, relativement réduit et dont il a supervisé pour une grande part la publication dès son installation à Amsterdam en 1729. Fabio Biondi en dresse ici un portrait singulier. Plutôt que de s'immerger dans L'arte del violino, l'opus le plus fameux d'un compositeur auquel il avait déjà consacré un premier album en 1995 (Opus 111, OPS 30-104), Biondi entouré de ses amis d'Europa Galante préfère un Locatelli plus intriguant : les six Introduttioni teatrali (Introductions théâtrales), qui composent la première partie de l'Opus 4, ensemble très peu connu. À la croisée du concerto grosso et de la sinfonia d'opéra, les Introduttioni teatrali mettent en scène un ensemble de cordes, et dégagent un certain mystère. Ont-elles été écrites pour une occasion particulière ? Forment-elles des ouvertures à des opéras perdus ou non mentionnés ? Qu'importe. Locatelli élabore ici des petites scènes dramatiques, brèves et étonnantes. Dans chacune des voies instrumentales d'une polyphonie magnifiquement ciselée - écoutez l'enivrant second Allegro de l'Introduttione I, pour ne prendre qu'un exemple - le compositeur brosse une sémillante galerie de personnages, qu'unifiera une élégance persistante de la touche et un sourire un rien malicieux. En invoquant le théâtre, Locatelli offre un exemple renouvelé de sa dextérité dans le genre du concerto grosso auquel il dédie en fait son Opus 4 : la seconde partie du recueil propose six nouveaux exemples transfigurant le genre emblématique du maître Corelli. Peu d'enregistrements des Introduttioni teatrali existent à ce jour. L'éloquence poétique de Fabio Biondi leur apporte des couleurs inédites, jusqu'à rappeler en maints moments très surprenants (l'Andante de l'Introduttione II !) des pages contemporaines comme les 6 Sonates en symphonie de Mondonville. Ces échos étranges raniment l'esprit d'une Europe nourrie, en plein XVIIIe siècle, à l'enchevêtrement des goûts et des styles. En témoignera également l'oeuvre qui conclut l'album, un Concerto en la majeur dont l'une des deux sources se trouve en Suède et comporte des annotations autographes de Johan Helmich Roman (1694-1758), autre maître méconnu du XVIIIe siècle dont Fabio Biondi ressuscitait dans son précédent album sept des Assagi pour violon seul. Dans le grand tour européen de l'insatiable Biondi, une autre boucle s'achève donc ici - et par quel délicieux théâtre de velours !