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Sélection Ces 12 guitaristes qui ont changé la face du rock
Revue en détail de 12 guitaristes qui ont façonné l'histoire du rock des années 50 à aujourd'hui.
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guitaristes
Chuck Berry (1926-2017) - Le pionnier
Après des décennies de blues acoustique, l’électrification et la diffusion des premiers microsillons donne naissance au début des années 50 au rock’n’roll. Cette musique, si elle conserve la base harmonique du blues, en accélère le rythme et bientôt, dans le sillage d’Elvis Presley, le succès commercial permet à de nombreux bretteurs américains de toucher une audience bien plus large. Parmi ces nouveaux venus, Charles Edward Anderson Berry (né en 1926 et plus tard connu sous le prénom de Chuck), sera le premier à créer de toutes pièces ce qu’on appellera par la suite le « riff ». Ce motif de guitare, à mi-chemin de l’accord et du solo, joue sur la répétition et la simplicité pour percuter l’auditeur et introduire des morceaux enlevés, qui marquent l’auditeur dès la première écoute. C’est principalement entre 1955 (Maybellene) et 1958 (Johnny B. Goode) que notre Chuck placera en haut des charts une dizaine de standards, grâce auxquels il parviendra à construire sa carrière entière.
Grand caractériel, Berry était aussi un excellent parolier et il passé sa vie sur la route, jouant ses standards partout dans le monde avec des groupes locaux formés à la va-vite. Dans les 60’s, les Beatles et les Rolling Stones seront parmi les premiers à reprendre ses tubes, leur donnant une seconde vie qui permettra à Chuck Berry de revenir dans la lumière pour ne plus la quitter jusqu’à sa mort à 90 ans, quelques mois à peine après sa dernière performance live.
Influences : T-Bone Walker
Keith Richards (1943-…) - La rythmique à l’état pur
L’héritier numéro un de Chuck Berry ne s’est pas contenté de reprendre soigneusement les chansons de son maître à jouer, il est parvenu à les améliorer à force d’entraînement et d’acharnement, avant de finalement trouver son style, basé sur une rythmique imparable, paraissant simple de prime abord, mais avant tout efficace. Keith Richards naît en 1943, la même année qu’un certain Mick Jagger, qu’il fréquente de loin à l’âge du bac à sable. C’est à leurs 18 ans que les deux comparses se retrouvent sur un quai de gare et constatent qu’ils sont tous deux fans de rythm’n’blues. L’un est guitariste, l’autre est chanteur et bientôt, avec le renfort de Brian Jones, Charlie Watts et Bill Wyman, ils fondent les Rolling Stones, dont le statut de meilleur groupe de rock du monde semble toujours leur coller à la peau, après plus de 60 ans de carrière.
Mais penchons-nous sur ce qui fait le sel des pierres qui roulent : la voix de Mick Jagger bien sûr, mais aussi les véritables coups de cisaille que Keith assène à l’auditeur avec ses riffs de guitare. S’il débute comme interprète fidèle de légendes du rock et du blues américain, ses talents d’auteur-compositeur et de parolier ne tardent pas à donner une autre dimension au groupe britannique, mis sur orbite par le succès planétaire de Satisfaction.
en 1965, bientôt suivi des répliques Paint it Black , Jumpin’ Jack Flash, Hony Tonk Women ou Brown Sugar. La marque de fabrique de Keith Richards et la particularité de la plupart de ces hymnes reposent sur l’accordage en open tuning de sa guitare, qui permet de donner une dynamique et un son unique, jusqu’à l’ultime hymne Start Me Up. Depuis les années 2000, le groupe est essentiellement connu pour ses tournées mondiales à rallonge, mais leur histoire n’a pas l’air de toucher à sa fin, puisqu’aussi incroyable que cela puisse paraître, 18 ans après leur dernière galette, on parle d’un nouvel album des Stones en 2023 !
Influences : Chuck Berry
Eric Clapton (1945-…) - Le puriste du blues
Nul besoin d’avoir des ancêtres ayant passé leur vie à souffrir dans les champs de coton du Sud des Etats-Unis pour être inspiré par le blues. La preuve, Eric Clapton, Anglais bon teint issu de la classe moyenne de la banlieue londonienne, a largement contribué à populariser cette musique, y apportant sa contribution d’abord comme soliste, puis comme compositeur et un peu plus tard comme chanteur. C’est en 1945 qu’Eric pousse ses premiers cris et il connaît une enfance chaotique, successivement abandonné par son père, puis élevé par ses grands-parents lorsque sa mère quitte à son tour l’Angleterre pour le Canada. Après des études artistiques, il commence à jouer dans des clubs et rejoint à 18 ans son premier groupe professionnel, les Yardbirds, qu’il quittera au moment de leur virage vers la pop. La suite ne sera qu’une succession d’expériences aussi diverses que riches : blues traditionnel aux côtés de John Mayall, power-blues avec le trio Cream (Sunshine of your Love), rock avec Blind Faith et Derek & the Dominos (Layla) et finalement blues-rock des années 70 jusqu’à nos jours, le plus souvent en solo, Clapton s’étant mis au chant, même si la guitare est toujours mise en avant.
Qu’est-ce qui rend le jeu de guitare de Clapton unique justement ? Tout simplement le purisme, la simplicité et le cœur qu’il y met. En effet, notre homme n’a jamais cédé aux sirènes du commerce et a préféré rester fidèle à ses racines, celles du blues, qu’il décline sous forme acoustique (Tears in Heaven), en picking (Lay Down Sally), en slide (Walkin’ Blues) et bien évidemment en électrique (Cocaine). Homme de tradition, Clapton l’est aussi vis-à-vis de sa marque de guitare puisque malgré quelques essais sur Gibson lors de sa période Cream, Clapton reste fidèle à la Fender Stratocaster, dont une édition limitée porte désormais son nom.
Auteur d’une trentaine d’albums solo, tant en live qu’en studio depuis 1970, Eric Clapton continue d’écrire l’histoire de la guitare électrique et son intransigeance inspire encore les jeunes as du manche d’aujourd’hui.
Influences : Muddy Waters
Jimi Hendrix (1942-1970) - L’envol du psychédélisme
S’il faut admettre que les plus grands innovateurs de la 6-cordes sont presque tous issus de la perfide Albion, Jimi Hendrix représente à lui tout seul l’Amérique dans ce domaine, même si sa carrière n’aura pu s’étaler que sur quatre ans, pour cause d’appartenance au club maudit des 27, comme Brian Jones ou Janis Joplin. C’est en effet à cet âge, en 1970 que le gaucher de Seattle a rejoint les étoiles, exténué par les tournées incessantes, la pression du succès et les excès en tous genres, qui l’ont conduit à mourir étouffé par son vomi, au fond de son lit à Londres. C’est d’ailleurs dans la capitale anglaise que son histoire a réellement débuté, après des années de vaches maigres où il jouait le rôle d’accompagnateur pour vedettes de seconde zone. La reprise Hey Joe marque son premier succès phénoménal, bientôt suivi des compositions originales Foxy Lady, Purple Haze ou Crosstown Traffic, qui feront le siège des charts au cours des années 67-68. Tout est original chez Hendrix : ses compositions explosives, sa voix proche du feulement d’une bête sauvage, ses paroles touchant à la poésie, mais aussi et surtout son jeu de guitare (bien que gaucher, le guitariste joue sur un instrument de droitier aux cordes inversées). C’est aussi en utilisant le larsen et en mêlant soli et accords dissonants que Hendrix popularise ce qu’on appellera le rock psychédélique. Révélé sur scène, le gaucher stellaire accumule au fil des années les performances hallucinantes, la plupart d’entre elles étant fixées sur pellicule pour la postérité : Monterey 1967, Woodstock 1969 et finalement l’Île de Wight 1970, seulement 18 jours avant son décès. Même s’il était un soliste avant tout, Jimi Hendrix s’est entouré de divers groupes qui ont su l’accompagner pour lui apporter une base rythmique solide et laisser libre cours à ses envolées. C’est à Londres qu’il forme le Jimi Hendrix Experience en 1966, avec lequel il enregistre trois albums et autant de chefs d’œuvre en deux ans à peine : Are You Experienced?, Axis: Bold as Love et le double Electric Ladyland. Souhaitant renouer avec ses racines afro-américaines, il forme en 1968 Band of Gypsys avec lesquels il sort un ultime disque live enregistré la nuit du nouvel an 1970. D’innombrables albums posthumes suivront, aux qualités pour le moins inégales.
Influences : B.B. King
Jeff Beck (1944-2023) Du rock au jazz-rock
Jeff Beck est certainement le plus exigeant des guitaristes issus de la première vague du rock britannique. Né en 1944, Beck se passionne pour la guitare dès l’adolescence, à tel point qu’il fabrique lui-même son premier instrument. Il quitte l’école tôt et exerce divers petits boulots, puis décroche par relation un contrat chez les Yardbirds, en remplacement d’Eric Clapton. Il s’invente alors un son, mêlant distorsion et vibrato, sa guitare prenant une place toujours plus prépondérante et faisant même de l’ombre à la voix de Keith Relf. Au bout de quelques mois, son esprit d’indépendance le pousse à fonder son propre band, qui prendra le nom de Jeff Beck Group, le mettant clairement en avant, même si on retrouve au poste de chanteur un certain Rod Stewart. Après deux albums et autant de classiques (Truth en 1968 et Beck-Ola en 1969), on assiste à un changement complet de musiciens et nouvelle évolution sonore pour Jeff Beck, dont le style se départit du hard-blues des années 60 pour se tourner vers des sonorités plus soul. Sans cesse à la recherche de sensations nouvelles, le guitariste démarre un nouveau chapitre en 1975 en se lançant dans une carrière solo, publiant une série d’albums instrumentaux où sa six-cordes tient le premier rôle. C’est l’ère des fameux Blow by Blow et Wired. Touché par des acouphènes, il ralentit son rythme de production dans les 80’s-90’s, alternant albums solos aux styles divers : jazz, rock’n’roll, jazz-rock et même musique classique. Il passe les 20 dernières années de sa vie à enchaîner les tournées mondiales, jouant dans des salles de taille modeste la musique qui lui tient à cœur, sans jamais faire de concession au big business.
En terme de style, Jeff Beck est reconnu pour être l’un des premiers à utiliser à la fois le larsen et le vibrato, avec la particularité supplémentaire de ne pas utiliser de mediator mais de ne se servir que de ses doigts pour obtenir un toucher unique. Grand adepte de pédales d’effets (distorsion, wah-wah, fuzz…), il est aussi à l’aise dans les reprises de standards de jazz (Goodbye Porkpie Hat de Charles Mingus) que lorsqu’il fait chanter sa guitare à travers une talk box, comme dans sa cover des Beatles She’s a Woman.
Influences : Django Reinhardt
Jimmy Page (1944-…) - Aux sources du hard rock
Comment un obscur guitariste londonien de studio est-il parvenu à l’âge de 25 ans à devenir une star mondiale en fondant Led Zeppelin, groupe le plus vendeur des années 70 ? C’est à l’âge de 12 ans que James Patrick Page découvre la guitare et il passe bientôt des heures à parfaire sa technique en autodidacte. Passée l’adolescence vient l’heure des premiers groupes de rock et des premières tournées, qu’il doit rapidement abandonner pour cause de santé fragile. Démarre alors une carrière prolifique de musicien de studio, lors de laquelle Page est sollicité pour d’innombrables séances en tant qu’accompagnateur ou comme soliste, sur des disques couvrant tous les styles musicaux. Parmi ses faits d’armes, citons les sessions enregistrées pour les Kinks, les Who, Van Morrison… et plus près de nous Michel Polnareff, Françoise Hardy ou Eddy Mitchell. C’est en 1966 qu’il finit par rejoindre les Yardbirds, aux côtés de Jeff Beck, mais le groupe n’a plus que quelques mois à vivre et c’est sur ses cendres que Jimmy Page décide de fonder Led Zeppelin en 1968, recrutant au chant Robert Plant, à la basse John Paul Jones et à la batterie John Bonham. Avec ses 10 compositions imparables, le premier album monte en flèche dans les charts et plusieurs tournées américaines finiront d’asseoir Led Zeppelin en véritable phénomène, dont l’œuvre doit se découvrir sous forme d’albums in extenso, et non pas de singles livrés au compte-goutte comme c’était l’usage jusqu’alors.
10 ans de succès et autant d’albums installent Led Zeppelin sur le trône d’un genre qu’il a lui-même inventé, le hard rock. Il s’agit de pousser les curseurs des guitares, de la voix et de la batterie dans les rouges, tout en gardant le blues comme base solide sur laquelle tout le lyrisme du guitariste peut s’enflammer. Féru de technique, Page a contribué à la mise au point de la fameuse Gibson électrique double-manche, qui lui permet de passer de 6 à 12 cordes sans changer de guitare. De même, il pousse son instrument dans ses derniers retranchements au cours de solos parfois longs de 20 minutes en concert, où il alterne phases mélodiques et violents coups d’archets sur ses cordes maltraitées (Dazed and Confused).
L’aventure de Led Zeppelin se termine un jour de 1980 avec la mort du batteur John Bonham, victime d’une overdose de vodka après une énième nuit d’excès. Jimmy Page poursuivra sa carrière, mais sans jamais retrouver les mêmes audiences, courant après les fantômes et les espoirs de reformer son groupe-phare, malgré les multiples fins de non-recevoir du chanteur Robert Plant qui participera à quelques projets ponctuels avec son ex-comparse, dont un ultime concert en 2007 à l’O2 de Londres.
Influences : Scotty Moore
Joni Mitchell (1943…) Aux confins du rock, du jazz et du folk
Née au Canada en 1943, Roberta Joan Anderson se met très tôt à la musique, commençant par le piano puis s’orientant vers son instrument-fétiche, la guitare, qu’elle apprend en autodidacte. Elle prend le nom de Mitchell suite à son union avec Chuck, avec qui elle fonde un duo et part sur la route jusqu’à Toronto, abandonnant au passage ses études d’arts plastiques. Alors que son mariage fait long feu, Joni connaît ses premiers succès aux États-Unis en jouant sur scène ses propres compositions dans des clubs de la côte Est. Encouragée par David Crosby, Joni Mitchell le suit en Californie où elle enregistre son premier LP, Song to a Seagull, paru en 1968. Son style mariant le meilleur de la guitare folk aux douces sonorités du jazz, le tout porté par une voix à la fois sensible et puissante, ne tarde pas à la faire connaître sur une plus grande échelle, d’autant que ses chansons sont reprises par des artistes comme Neil Diamond ou Judy Collins. Un temps en couple avec Graham Nash, ils finissent par se séparer et Joni Mitchell se lance alors dans une série de tournées tout au long des années 70, décennie qui voit la parution d’une dizaine d’albums. Parmi ses chansons devenues des classiques, citons Both Sides Now, A Case of You, Woodstock ou Cactus Free parmi bien d’autres.
Au fil des années, Joni Mitchell aura utilisé 50 accordages différents pour sa guitare (open tunings) qu’elle appelle « les accords bizarres de Joni ». Varier les accompagnements lui permet de trouver des harmonies originales, et elle fait aussi évoluer la technique de sa main droite, passant du picking à ses débuts à un style plus percussif et rythmique par la suite.
Le classement des meilleurs guitaristes du magazine Rolling Stone paru en 2003 placera Joni Mitchell à la 72ème, première femme sur la liste. Après une rupture d’anévrisme en 2015, Joni Mitchell réduit considérablement ses activités mais continue d’apparaître sporadiquement sur scène, comme en juillet 2022 au Festival Folk de Newport, où elle interprète 13 morceaux incluant reprises et originaux.
Influences : Bob Dylan
Carlos Santana (1947-…) - L’inventeur du rock latino
Beaucoup d’Anglais, quelques Américains, pas de Français dans nos révolutionnaires de la 6-cordes… mais heureusement, un peu de diversité ne nuit point et c’est Carlos Santana, chantre du rock latino d’obédience mexicaine, qui s’y colle.
Toujours en course en 2023, notre guitariste voit le jour en 1947 dans une famille de musiciens puisque son père officiait au sein d’un groupe de mariachi et c’est lui qui enseignera les rudiments du violon à son rejeton. A l’âge de 8 ans, Carlos opte pour la guitare et sa passion devient dévorante à partir de 1965, moment où la famille a la bonne idée de déménager à San Francisco aux USA. Il fonde alors le Santana Blues Band, mêlant pour la première fois le rock à la salsa. L’originalité du son obtenu le fait remarquer par des producteurs à la recherche de nouveaux talents et on lui propose de jouer en 1969 au festival de Woodstock. Sa carrière est dès lors lancée, grâce au succès de Soul Sacrifice, qu’il joue sur scène et qui paraît sur son premier album, Santana. Les galettes suivantes font la part belle aux inspirations mexicaines, auxquelles sont associées des sonorités issues du jazz et du rock psychédélique. Santana aborde aussi la musique modale dans son œuvre suivante, Abraxas (1970), vendu à des millions d’exemplaires grâce aux succès des titres Black Magic Woman, Oye Como Va etSamba Pa Ti Samba Pa Ti. Le milieu des années 70 voit Santana embrasser un style plus mélodique, dont le tube Europa, issu de l’album Amigos (1976) est un bel exemple.
Après une baisse de régime observée au long des années 80 et 90, Carlos Santana revient sur le devant de la scène avec une succession de disques à succès, surfant sur les 9 Grammy Awards remportés par Supernatural et son titre-phare Maria Maria.
Depuis, Santana multiplie les collaborations, que ce soit avec des vocalistes ou en apportant sa contribution à d’autres groupes, issus de la soul (The Isley Brothers) jusqu’au rap (Tyga). Ce qui distingue Carlos Santana du commun des guitaristes, c’est son jeu mêlant lyrisme, rythmique, distorsion, le tout en conservant les influences latino qui font sa marque de fabrique.
Influences : Jimi Hendrix
David Gilmour (1946- ) - Atmosphère, atmosphère…
Là où la grande majorité des guitaristes britanniques des années 60 ont eu comme influence principale le blues venu d’Amérique, le groupe Pink Floyd a pour sa part suivi son propre chemin, entre musique répétitive, instrumentale ou classique… en un mot atmosphérique. Et la guitare de David Gilmour s’est parfaitement insérée dans ce schéma novateur tout au long de l’histoire du groupe, dont les différentes phases ont été liées aux avancées techniques de prise de son, mais aussi à des changements de personnel dûs aux fortes personnalités des fondateurs. A commencer par son leader originel Syd Barret, guitariste chanteur qui quitta l’aventure juste après la parution du premier album en 1967, sombrant dans une forme de folie qui lui fera passer le reste de son existence en reclus au domicile familial, entre deux séjours à l’hôpital psychiatrique.
Suite à son départ, David Gilmour rejoint le groupe au poste de chanteur-compositeur-guitariste, et il va apporter de nouvelles sonorités au Floyd, à travers des compositions embrassant une grande variété de styles : tant dans l’acoustique jazzy avec San Tropez que dans l’électrique avec Shine on you Crazy Diamond. Mais c’est surtout en matière de solo que David Gilmour va s’illustrer, particulièrement sur The Dark Side of the Moon. Enregistré à Abbey Road pendant les six premiers mois de l’année 1973, cet album-phare contient parmi les œuvres les plus emblématiques du groupe. Pour obtenir des phrasés mélodiques parfaits, Gilmour va utiliser le studio pour enregistrer quantité de solos de guitare sur différentes pistes, puis il utilisera la technique du cut-up, qui consiste à isoler et coller ensemble certaines parties donnant l’illusion d’une prise unique. Au-delà de cet artifice, le guitariste est un maître de technique, sans pour autant être démonstratif, et il utilise tour à tour les bends (tirage de corde) et le vibrato, le tout sous un déluge d’effets sonores.
Au-delà de la quinzaine d’albums enregistrés avec Pink Floyd, David Gilmour est aussi l’auteur de quatre albums solo publiés de 1978 à 2015. Il continue de tourner sous son nom aujourd’hui, une reformation de Pink Floyd avec son ancien comparse Roger Waters n’étant clairement pas à l’ordre du jour, leurs relations s’étant notoirement détériorées au cours de ces dernières années.
Influences : Hank Marvin
Tom Verlaine (1949-2023) - Punk et avant-garde
Avec Tom Verlaine, nous quittons le monde du classic-rock pour embarquer vers le punk rock new yorkais. Connu pour être le guitariste, chanteur et leader du groupe Television, Thomas Joseph Miller est né en 1949 dans le New Jersey, avant que sa famille ne déménage dans le Delaware. Après l’étude du piano classique à partir de 6 ans, il se tourne vers le saxophone, séduit par le son des géants du jazz Stan Getz et John Coltrane. D’abord peu attiré par la guitare, il finira par se tourner vers cet instrument à la suite de la British Invasion des Beatles et des Stones sur le sol américain. Parallèlement, il se met à la poésie et rencontre son futur alter ego Richard Meyers, alias Richard Hell (futur compagnon de groupe et icone du punk), avec qui il part pour NYC. C’est là que Miller prend comme nom de scène Tom Verlaine, davantage pour la sonorité que comme référence au poète français. Après quelques tentatives avortées et des contributions à divers groupes new-yorkais, Tom Verlaine, qui sort à ce moment-là avec la chanteuse Patti Smith, monte finalement Television et enregistre rapidement deux albums et autant de classiques coup sur coup : Marquee Moon en 1977 (avec son titre éponyme Marquee Moon), suivi d’Adventure en 1978. Le groupe connaît un succès retentissant, à la fois critique et commercial, mais il se sépare en 1979, pour cause d’abus de substances illégales de la part de certains de ses membres. Quelques reformations éphémères ont bien lieu à partir de 1992 mais pour l’essentiel, Tom Verlaine poursuivra une carrière solo, publiant une dizaine d’albums, dont le dernier paraît en 2006.
L’originalité du jeu de guitare de Tom Verlaine repose sur le son très travaillé de ses enregistrements, qui mêlent des effets de delay, de réverb et de chorus. Il n’est en revanche pas adepte de distorsion, préférant un son clair, branchant parfois sa guitare en direct dans la console. Tom Verlaine réactivera son groupe fétiche Television de 2014 à 2016, jouant l’album fétiche Marquee Moon dans son intégralité au cours de plusieurs tournées européennes. C’est en 2023, à l’âge de 73 ans, après une ultime bataille contre le cancer, qu’il nous quitte, dans sa ville de New York.
Influences : John Coltrane
Eddie Van Halen (1955-2020) - Le roi du tapping
Si l’on peut sans conteste attribuer l’invention du hard rock au groupe de Jimmy Page, Led Zeppelin, le genre a par la suite donné naissance à des formes dérivées comme le heavy metal, dont Van Halen sera l’un des meilleurs représentants. Mais revenons en arrière… Eddie naît aux Pays-Bas en 1955 avant que sa famille ne s’installe à Pasadena, en Californie, au début des années 60. Il apprend le piano à l’âge de 6 ans sans connaître le solfège, et se révèle rapidement un as de l’improvisation. Après un détour par la batterie, il se passionne pour la guitare et forme un premier groupe avec son frère Alex derrière les fûts. Rejoints par Michael Anthony à la basse et David Lee Roth au chant, ils prennent le nom de Van Halen en 1974 et sont découverts par Gene Simmons, le bassiste-chanteur de Kiss. Le premier album paraît en 1978 et atteint la neuvième place des charts américains, amorce d’un succès qui ira crescendo tout au long des années 80. On trouve sur ce premier LP le morceau instrumental Eruption et son solo de guitare iconique qui installera Eddie Van Halen parmi les guitaristes virtuoses de la 6 cordes. Il y met en avant sa technique du « tapping », qui consiste à utiliser les deux mains sur le manche de sa guitare pour créer une suite d’arpèges mélodiques et atteindre une grande vélocité. Devenu une véritable icône, Eddie Van Halen participe à diverses publicités et la popularité du guitariste atteint son zénith lorsque Michael Jackson fait appel à ses services pour jouer le solo de Beat It, single de l’album Thriller. Quelques mois plus tard paraît le sixième album du groupe, 1984, qui contient son plus grand succès, Jump, où Eddie Van Halen joue le fameux motif musical au synthétiseur avant de se lancer dans un solo stratosphérique.
S’il a certes popularisé le tapping, Van Halen a toujours reconnu ne pas l’avoir créé mais s’être inspiré pour cela du jeu du guitariste Steve Hackett, qui en fut le précurseur au sein de son groupe Genesis.
Monstre de technique, Van Halen participait activement à la création de ses guitares, la plus célèbre étant la Frankenstrat et ses fameuses bandes rouges, noires et blanches. On lui doit des innovations permettant de fluidifier le jeu, comme les mécaniques autobloquantes qui facilitent l’utilisation du vibrato.
Eddie Van Halen a mené une vie d’excès, commençant la cigarette et l’alcool à l’âge de 12 ans. Ses multiples acrobaties sur scène finiront par le fragiliser, à tel point qu’il devra subir une opération de la hanche en 1999, ce qui lui laissera de lourdes séquelles. Il finit par développer un cancer de la bouche, puis des poumons et meurt à l’âge de 65 ans, en octobre 2020.
Influences : Eric Clapton
Jonny Greenwood (1971-...) - De Radiohead à la musique de film
Si d’aucuns considèrent qu’en matière de rock, tout a été dit depuis les années 60-70, le groupe Radiohead et son guitariste Jonny Greenwood sont là pour faire mentir cet adage. L’homme est un multi-instrumentiste accompli, passé guitariste professionnel à l’âge de 20 ans. Son groupe On a Friday changera bientôt de nom pour répondre à celui de Tête de Radio, alias Radiohead, en hommage au groupe de David Byrne, Talking Heads. Dès le premier album, la machine est lancée grâce au succès phénoménal du single Creep en 1993, qui demeure encore aujourd’hui le titre le plus connu et repris de son répertoire, même si le groupe ne le jouera pas à tous ses concerts, préférant s’aventurer sur des terrains plus expérimentaux. Les deux albums suivants : The Bends (1995) et surtout OK Computer (1997), installent Radiohead comme référence du rock indé, les circonvolutions de la guitare de Jonny Greenwood mariées à la voix sensible de Thom Yorke comptant pour beaucoup dans cette mise en orbite, sous la férule de Nigel Godrich, producteur indissociable. Les tubes s’enchaînent (Karma Police, Paranoid Android, No Surprises…) et une tournée mondiale à guichets fermés finit d’installer le groupe sur la plus haute marche du podium, tant du point de vue critique que commercial.
Mais Jonny Greenwood souhaite explorer de nouvelles sonorités et se démarquer du son rock et saturé des trois premiers albums de Radiohead. La suite prendra la forme de sons bien plus électro sur les albums suivants du groupe, faisant la part belle à des nappes de synthétiseurs sur lesquelles Thom Yorke pose une voix plaintive et pleine d’émotion, du diptyque Kid A / Amnesiac (Everything In Its Right Place), jusqu’au dernier LP en date du groupe, A Moon Shaped Pool (2016). Entre-temps, Jonny Greenwood s’est associé au réalisateur hollywoodien Paul Thomas Anderson, dont il signe toutes les bandes originales à partir de 2007 (de There Will Be Blood à Licorice Pizza), utilisant une multitude d’instruments allant du glockenspiel jusqu’aux ondes Martenot.
Loin d’être rassasié, le maestro sort parallèlement un album de musique minimaliste reprenant une œuvre du compositeur Steve Reich, et monte un nouveau projet, The Smile, en trio avec Thom Yorke et le jazzman Tom Skinner, qui donnera lieu à l’album A Light for Attracting Attention, paru en 2022.
Influences : Talking Heads
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Par Rodolphe H., Marguerite Yourcenar