Saison France-Portugal La musique portugaise du XIXème et du début du XXème siècle
José Vianna da Motta
Si la musique savante portugaise a connu un véritable âge d’or durant la période baroque, elle a également fait preuve, pendant les siècles suivants, d’une indéniable vitalité. En effet, des noms de compositeurs comme Bomtempo ou encore Vianna da Motta mériteraient vraiment d’être mieux connus du grand public. Leurs œuvres sont d’intéressantes synthèses entre la sensibilité lusitanienne et les différentes écoles nationales européennes.
Le Portugal au moment de la Révolution française et de l’Empire
Après un exil forcé au Brésil pendant les guerres napoléoniennes, le roi João VI (1767-1826) se voit contraint, en 1821, de revenir au Portugal, du fait de la proclamation de la monarchie constitutionnelle. Dans le domaine musical, l'activité de l’Orchestre Royal de Chambre, naguère l'un des orchestres les plus importants d'Europe, décline. Un grand compositeur va cependant marquer cette période de son empreinte. Il s’agit de Joao Domingos Bomtempo.
1) João Domingos Bomtempo
Fils d’une portugaise et d’un hautboïste italien de l'Orchestre royal de la cour de Lisbonne, Bomtempo reçoit ses premières leçons de son père qui lui apprend le hautbois ainsi que le piano et le contre-point. Il poursuit ensuite ses études musicales à la Fraternité Sainte-Cécile et devient chanteur à la Chapelle Royale.
Héritant de la place de son père, Bomtempo est nommé en 1795 premier hautbois de l’orchestre royal de Lisbonne. Toutefois, cette situation ne répondant guère à ses aspirations les plus profondes, il décide de se rendre en 1801 à Paris, alors capitale musicale européenne en pleine effervescence. À l’image d’un Steibelt, il y mène une carrière de virtuose du piano et de compositeur. Il fera également quelques séjours à Londres.
Loin d’être attiré par l’opéra comme ses contemporain portugais, Bomtempo est avant tout un chantre de la musique instrumentale. C’est à lui que l’on doit les deux premières symphonies lusitaniennes. Sa musique encore très classique montre l’influence des modèles allemands contemporains. Les musicologues considèrent habituellement son Requiem comme son plus grand chef-d’œuvre. À la fin de sa vie, il participe à la fondation du conservatoire de Lisbonne dont il devient le premier directeur et où il enseigne le piano.
Fin du dix-neuvième siècle
Alors que dans la deuxième partie du XIXème siècle, le Portugal et sa monarchie constitutionnelle connaissent des heures troublées, l'opéra demeure le genre privilégié des compositeurs lusitaniens. La musique instrumentale gagne toutefois peu à peu ses lettres de noblesse, avec José Vianna da Motta (1868-1948), Francisco de Lacerda (1869-1934) et Luís de Freitas Branco (1890-1955). Ils deviennent alors les figures les plus significatives de la vie musicale portugaise.
2) José Vianna da Motta
Né en Afrique et venu enfant à Lisbonne, Vianna da Motta a étudié au conservatoire national. Le roi Fernando II, d’origine allemande et conscient de son génie précoce, lui permet de rejoindre Berlin et d’étudier au conservatoire Scharwenska. Peu intéressé par l’enseignement de cette institution, Vianna da Motta décide de prendre des cours auprès de Karl Schäffer puis de Franz Liszt dont il écrira une biographie. Enfin, il devient l’élève d’un des gendres du maître Hongrois, Hans von Bülow.
Vianna da Motta demeure à Berlin jusqu’à la première guerre mondiale. Après un court passage en Suisse, il rentre en 1917 au Portugal où il passera la fin son existence. Dès 1919, il est même nommé à la direction du conservatoire de Lisbonne qu’il sait réformer profondément.
L’art de Vianna da Motta montre clairement l’influence de Franz Liszt. Tout comme son maître, il sait user d’un folklore national qu’il recrée et avec lequel il joue. Son œuvre la plus célèbre, la Symphonie « À Patria » en est un parfait exemple. Composé en réaction à l’ultimatum Anglais de 1890, elle intègre des danses et des chants folkloriques portugais. Ses pièces pour piano sont également imprégnées de chants populaires. Sa très réussie Ballade pour piano est en outre construite en variations sur la chanson « Tricana da Aldeia ».
3) Francisco de Lacerda
Parmi tous les compositeurs portugais importants de cette époque, Francisco de Lacerda est celui qui a été le plus marqué par la culture musicale française. Né aux Açores, issu d’une famille influente de l’archipel, il est parti étudier la médecine à Lisbonne après ses études secondaires. Parallèlement, il suit des cours au conservatoire de la capitale. Sa passion pour la musique triomphe. En 1895, une bourse lui permet de rejoindre le Conservatoire de Paris. Il y étudie notamment l’orgue et le contrepoint avec Charles-Marie Widor. Peu satisfait d’un enseignement quelque peu figé, de Lacerda s’inscrit en 1897 à la toute nouvelle Schola Cantorum fondée par Bordès, Guilmant et Vincent d’Indy. Ce dernier saura reconnaître le génie de Lacerda en qui il voit un compositeur né ainsi qu’un chef d’orchestre remarquable. Les progrès de Lacerda sont si rapides qu’il est nommé professeur d’ensemble vocal, alors même qu’il étudiait encore au sein de l’école la composition et l’orgue.
De Lacerda a côtoyé les plus grandes figures de la musique française de son époque. Grand ami de Debussy, il lui a même fourni des thèmes qui ont été réemployés par l’auteur de Pelléas dans sa propre musique. Ses œuvres, quant à elles, se situent dans le contexte parisien du début du XXème siècle. Ses 36 Histoires pour amuser les enfants d’un artiste pour piano solo portent par exemple la marque de l’œuvre d’Erik Satie.
4) Luís de Freitas Branco
Il importe encore de citer un compositeur qui illustre la sensibilité romantique tard dans le vingtième siècle. Il s’agit de Luís de Freitas Branco. Cet aristocrate a bénéficié d'une éducation soignée, qui comprenait des études à Berlin puis à Paris. Élève d’Engelbert Humperdinck et de Désiré Pâque, Freitas Branco a également joué un rôle important en tant que musicologue, ayant été actif dans la recherche sur le riche héritage des compositeurs polyphoniques portugais du XVIIe siècle.
La musique de Luís de Freitas est résolument sérieuse. Néo-romantique, elle est à la fois la contrepartie portugaise des grandes fresques symphoniques allemandes ainsi que de l’impressionnisme debussyste.
Son chef-d’œuvre Les Paradis artificiels est un poème symphonique qui est une sorte de transposition d’art de l’ouvrage éponyme de Baudelaire. Cette œuvre qui introduit la musique moderne au Portugal suit un tempo lent du début jusqu’à la fin. Les mesures initiales jouées par les violons et reprises par les bois contiennent tous les éléments musicaux sur lesquels repose l'œuvre. Ce morceau use de la polytonalité.
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Par Matthieu L., bibliothèque Andrée Chedid