Bicentenaire de la naissance de César Frank César Frank ou le triomphe de la maturité
Alors que l'on célèbre le bicentenaire de la naissance de César Franck, les bibliothèques vous proposent un retour sur la vie et l’œuvre du musicien. Premier épisode : la maturité.
Jeanne Rongier, Portrait de César Franck à l'orgue de Sainte-Clotilde (localisation inconnue).
Alors que l'on célèbre le bicentenaire de la naissance de César Franck, les bibliothèques vous proposent un retour sur la vie et l’œuvre du musicien. Deuxième épisode : la maturité.
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Un nouveau départ pour César Franck
A la fin des années 1860, deux évènements sont à l’origine d’un retour à la composition pour César Franck. Le premier réside dans son installation à un nouveau poste, celui de l’orgue de la récente église néo-gothique Sainte Clotilde. L’instrument qui est un chef-d’œuvre du facteur Cavaillé-Coll permet à Franck d’exercer toute l’étendue de son génie. En effet, c’est à ces claviers qu’il conçoit son premier ouvrage de maturité : les Six pièces pour orgue qui contiennent le très célèbre Prélude, fugue et variation (il existe une version transcrite pour piano) ainsi que la Grande pièce symphonique. Cette dernière œuvre est la première symphonie écrite exclusivement pour l’orgue.
Le deuxième évènement qui semble avoir stimulé la créativité de Franck est la naissance de la Société nationale de musique. Fondée le 25 février 1871, après la guerre franco-prussienne, par Romain Bussine et Camille Saint-Saëns, elle se donne pour objectif de promouvoir la musique française et de permettre aux compositeurs de voir interpréter leurs œuvres. César Franck fait partie de ses membres fondateurs, aux côtés de musiciens comme Gabriel Fauré, Ernest Guiraud ou encore Jules Massenet. Sa devise est « Ars gallica ». Romain Rolland a bien résumé le rôle décisif qu’a joué cette association dans l’essor de la musique française de la fin du XIXème siècle.
"C'est avec respect qu'il faut parler de la Société Nationale, qui fut vraiment le berceau et le sanctuaire de l'art français. Tout ce qu'il y a eu de grand dans la musique française, de 1870 à 1900, a passé par là. Sans la Société Nationale, la plupart des œuvres qui sont l'honneur de notre musique non seulement n'auraient pas été exécutées, mais peut-être même n'auraient pas été écrites. Elle a eu le rare mérite de devancer toujours de dix ou quinze ans l'opinion publique, que du reste elle forma, et qu'elle contraignit à honorer ceux que, la première, elle avait reconnus grands."
Romain Rolland, Musiciens d’aujourd’hui, Hachette, 1908, p. 230.
César Franck y prend une part active avant d’en devenir président en 1886. Quelques-unes de ses œuvres les plus célèbres ont été créées dans ses murs : Le Quintet avec piano (1880), Prélude, Choral and Fugue (1885), les Variations symphoniques (1886) et le Quatuor à cordes (1990). Les Variations symphoniques, par exemple, sont typiques de leur auteur avec leur forme sophistiquée qui intègre le piano à l’orchestre, loin d’une virtuosité vide. Cela a été un des morceaux les plus joués à Paris jusqu’en 1950.
La « Bande à Franck »
En marge de la Société nationale se forme, autour de Franck, un véritable groupe de disciples : Castillon, Vierne, Duparc, Ropartz, Chausson, d’Indy, Lekeu, Bréville et Tournemire. Il s’agit de ce qu’on a appelé la « Bande à Franck » que le génie et les qualités humaines du maître ont grandement favorisée. Cette école, qui illustre le courant véritablement post-romantique de la musique française, a suscité nombre de chefs-d’œuvre.
Henri Fantin-Latour, Autour du piano (Musée d’Orsay). Vincent d’Indy est situé à droite avec la cigarette dans la main
Franck a montré à ses élèves la voie d’une musique généreuse qui n’a eu de cesse de chercher l’Idéal et a constitué un modèle pour toute une génération. Les dédicaces des partitions de Franck et de celles de ses élèves se répondent souvent : Duparc dédie sa Lénore à son maître vénéré, Vincent d’Indy lui offre son Chant de la Cloche. Franck adresse au premier sa Symphonie en ré mineur, au second sa Psyché.
Comme les œuvres de Franck, celles de ses disciples font montre d’une architecture savante, héritée de la variation amplificatrice beethovenienne et du leitmotiv wagnérien. C’est ce qui leur donne cet aspect si absolutiste et si élevé. De plus, la polyphonie y est toujours génératrice de l’harmonie et de la forme. La Trilogie Wallenstein de Vincent d’Indy et la Symphonie d’Ernest Chausson constituent deux exemples de cette esthétique et sont des œuvres qui comptent parmi les plus belles réalisations de l’Ecole française.
Actions en faveur des compositrices
Augusta Holmès photographiée par L. Taponier
Au sein du soutien que Franck a apporté à ses disciples, le compositeur a particulièrement distingué les femmes. En effet, il n’a eu de cesse de favoriser la réalisation de leurs talents : il voyait en elles des créatrices à part entière et non plus seulement des interprètes. Joël-Marie Fauquet l’a bien souligné dans son livre sur Franck. Le musicologue va jusqu’à y voir une forme de militantisme chez celui qui avait, lui-même, peiné à atteindre une reconnaissance durable :
"Appelé […] à vivre en retrait dans un monde musical régi par des hommes, Franck, sans bruit mais avec ténacité, va œuvrer pour que ce monde musical soit aussi un monde de femmes et que les musiciennes ne soient pas seulement des femmes du monde. […] La majorité des élèves de César Franck seront des jeunes filles ou des jeunes femmes de la noblesse et de la grande bourgeoisie, celles-là même à qui l’accès à la carrière musicale est interdite."
(Joël-Marie Fauquet, César Franck, Fayard, 1999, Paris, p. 191.).
Un nom brille particulièrement parmi toutes ces élèves, celui d’Augusta Holmès, qui serait la fille naturelle d’Alfred de Vigny. Elle va enflammer les concerts parisiens pendant près de vingt ans. Ecrivant des œuvres dans tous les genres, elle se place dans la filiation artistique de son maître ainsi que dans celles de Liszt, de Berlioz et de Wagner. Elle admire par-dessus tout ce dernier qu’elle rencontre même en 1876, à Bayreuth, avec son mari, le grand écrivain, Catulle Mendès.
L’un des chefs-d’œuvre les plus intéressants d’Augusta Holmès est sans conteste son poème symphonique Andromède qui narre la délivrance de la vierge céphéenne par Persée sur son cheval ailé Pégase.
César Franck dans le catalogue des bibliothèques
Par Matthieu L., Médiathèque musicale de Paris