Sélection Les femmes pionnières du jazz
The International Sweethearts of Rhythm dans les années 1940. (Photo : Rosalind Cron)
Après les musiques expérimentales, place aux femmes pionnières dans la musique jazz... Trop souvent oubliées, ces pionnières n’ont pas toujours eu la notoriété qu’elles méritaient. Découvrez les !
Quand on parle de jazz au féminin, on pense tout de suite à Ella Fitzgerald, Sarah Vaughan, Billie Holiday ou Dinah Washington. En effet, jusqu’aux années 1950, la place octroyée aux femmes dans le monde du jazz était le plus souvent celle de chanteuse dans des orchestres masculins. Ce qui a permis à certaines d’occuper le devant de la scène et d’obtenir une large reconnaissance. Cependant des instrumentistes, compositrices ou cheffes d’orchestre moins visibles ont très tôt participé à l’essor de cette musique dans un contexte peu propice à leur émancipation. Trop souvent oubliées par les historiens, ces pionnières n’ont pas toujours eu la notoriété qu’elles méritaient. Voici les portraits de certaines d’entre elles :
Lilian Hardin Armstrong
pianiste, chanteuse américaine (1898, Memphis – 1971, Chicago)
Après un apprentissage classique, elle débute en 1917 dans l’Original Creole Jazz Band sous la direction de Freddie Keppard puis de King Oliver. Elle épouse Louis Armstrong en 1924 et intègre ses orchestres Hot Five et Hot Seven. Dans les années 1930, elle dirige des orchestres féminins dans diverses institutions. À partir de 1940 elle se produit seule en Europe et au Canada et devient la soliste attitrée du Red Arrow Club dans l’Illinois durant une dizaine d’années. Son jeu proche du ragtime est dynamique et fourni.
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Mary Lou Williams
pianiste, compositrice américaine (1910, Atlanta - 1981, Durham)
Surnommée « la première dame du clavier jazz », c'est une des premières femmes instrumentistes à être mondialement reconnue dans ce domaine. Musicienne précoce, Mary Elfrieda Scruggs se produit en concert dès l’âge de 6 ans. À 15 ans elle est pianiste dans l’orchestre de John Williams qu’elle épouse en 1927. Elle enregistre ses premiers disques, compose et arrange pour le big band de son mari. À 19 ans elle est la seule femme instrumentiste dans l’orchestre d’Andy Kirk. À partir des années 1940 elle dirige ses propres ensembles, compose et arrange pour Louis Armstrong, Duke Ellington ou Benny Goodman. Toujours à l’écoute de son époque, son style n’a jamais cessé d’évoluer.
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Marian McPartland
pianiste américaine (1920, Windsor (GB) – 2013, New-York)
Après un apprentissage du violon et du piano en Angleterre, elle entame une carrière professionnelle pendant la Deuxième Guerre mondiale dans le cadre du Théâtre des armées avec le pianiste Bill Mayerl. Elle y rencontre le cornettiste et chef d’orchestre Jimmy McPartland avec qui elle part s’installer aux USA pour tourner avec son orchestre. Elle se produit ensuite souvent en solo et dans de plus petites formations. Elle crée en 1963 son propre label Halcyon, puis dans les années 1980 une émission de radio « Marian McPartland Piano Jazz » et une émission de télévision « Women in Jazz » qui permettent de diffuser plus largement le jazz féminin.
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Mary Osborne
guitariste et chanteuse américaine (1921, Minot – 1992, Bakersfield)
Après un apprentissage du violon, du ukulele et de la guitare en famille, elle commence à chanter à la radio et dans l’orchestre paternel à l’âge de 12 ans. Elle débute avec un trio féminin et découvre la guitare électrique avec Charlie Christian. Dès lors, elle adopte l’instrument et se produit en 1945 à Philadelphie avec Dizzy Gillespie, Art Tatum, Coleman Hawkins et Thelonious Monk. Elle enregistre avec Mary Lou Williams et continue de jouer en club avec son trio. Elle s’installe en 1958 en Californie où elle crée sa marque de guitare et fonde un quartette qui officie sur la côte ouest. Son style révèle beaucoup de « feeling » et un jeu en accords très assuré.
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Melba Liston
tromboniste, compositrice et arrangeuse américaine (1926, Kansas City - avril 1999, Los Angeles)
Melba Liston débute très tôt dans des orchestres juniors à Los Angeles. Elle intègre l’orchestre de Gerald Wilson en 1943 et commence à écrire des arrangements. Dans les années 1940 elle enregistre avec le saxophoniste Dexter Gordon, elle accompagne Billie Holiday et rejoint l’orchestre de Dizzy Gillespie. Elle dirige un quintette féminin à la fin des années 1950 et part en Europe avec l’orchestre de Quincy Jones. Tromboniste très expressive, elle est aussi réputée pour la qualité de ses arrangements qu’elle réalise pour de nombreux musiciens tels Charles Mingus, Randy Weston, Ray Charles…
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Toshiko Akiyoshi
pianiste, arrangeuse, compositrice et cheffe d’orchestre américaine (1929,, Dairen (Mandchourie)-)
De formation classique, elle découvre le jazz lors de son installation au Japon en 1946. Elle apprend sur le tas avec diverses formations et se fait remarquer par des musiciens américains en tournée au Japon. Cette connexion va déclencher sa carrière aux USA à la fin des années 1950 : enregistrements, tournées avec Charles Mingus et Charlie Mariano qui devient son mari. Au début des années 1970 elle fonde un Big Band avec son second mari le Toshiko Akiyoshi Jazz Orchestra featuring Lew Tabackin qui connait un rayonnement mondial. Fougueux et puissant, son jeu sait aussi se faire délicat et romantique.
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Dorothy Ashby
harpiste et compositrice américaine. (1932, Detroit- 1986, Santa Monica)
Dorothy Jeanne Thompson étudie tôt le piano puis le saxophone et la contrebasse avant de choisir la harpe. Quasiment absent de l’univers du jazz, son instrument va pourtant se faire une place dans différents ensembles qu’elle va intégrer. Elle accompagne Richard Davis, Ed Thigpen, Louis Armstrong et Woody Herman. Son trio, avec son mari John Ashby à la batterie, enregistre plusieurs albums. Élue meilleure instrumentiste par le magazine Downbeat en 1962, elle honore de nombreux engagements en studio et compose des musiques pour des comédies musicales. Dans les années 1970, sa réputation gagne le milieu de la soul music. Bill Withers, Stevie Wonder, Bobby Womack ou Earth Wind & Fire font appel à ses services.
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Shirley Scott
organiste, pianiste et chanteuse américaine (1934, Philadelphie – 2002, Philadelphie)
Surnommée « La Reine de l’orgue », Shirley Scott a enregistré une cinquantaine de disques sous son nom de la fin des années 1950 aux années 1990. Elle étudie le piano et la trompette à Philadelphie et débute dans l’orchestre de son frère. Elle joue de l’orgue aux côtés de John Coltrane (!) dans le groupe The Hi Tones. Elle monte un trio avec Lockjaw Davis à New York à la fin des années 1950. Mariée à Stanley Turrentine en 1960, elle enregistre plusieurs albums avec lui dans un style de plus en plus funky tout en poursuivant sa carrière avec son trio. Elle revient à Philadelphie dans les années 1970 pour enseigner et continuer de se produire en trio.
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International Sweethearts of Rhythm
(1937 Mississippi-)
Malgré une forte activité durant les années 1940, cet orchestre entièrement féminin est totalement absent de l’histoire du jazz. Il s’est constitué essentiellement avec des jeunes filles afro-américaines issues d’un orphelinat. L’excellence de ses 17 instrumentistes a permis à l’ensemble de tourner dans tous les États-Unis et en Europe. Le groupe s’est dissout après la Deuxième Guerre mondiale suite au désengagement de certaines solistes qui ont tenté l’aventure individuelle.
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Carla Bley
Pianiste, organiste, cheffe d’orchestre et compositrice américaine (1938, Oakland-)
Pianiste autodidacte, Carla Borg quitte le foyer familial à 15 ans et devient vendeuse de cigarettes au club Birdland à New York. Elle y rencontre le pianiste Paul Bley qu’elle épouse en 1957. Dès 1959 ses compositions sont jouées par Jimmy Giuffre, Paul Bley et George Russell. En 1964, elle codirige avec le trompettiste Michael Mantler la Jazz Composer’s Orchestra Association (JCOA) qui joue aux USA et Europe. En 1968 elle l’épouse et commence avec lui l’écriture de l’opéra Escalator Over the Hill tout en collaborant avec le Liberation Music Orchestra de Charlie Haden. Toujours avec Mantler elle crée en 1973 une compagnie de disque, WATT, qui servira d’écrin à toutes leurs productions. Depuis plus de cinquante ans, elle écrit et arrange pour les big bands qu’elle dirige. Depuis 2003, elle compose pour des formations plus restreintes ou en duo avec le bassiste Steve Swallow son compagnon depuis 1991. Son œuvre témoigne d’une liberté d’esprit et d’un humour peu communs.
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