Films, livres numériques, documentaires, podcasts... Cinéma en ligne : les yeux grands ouverts
Image extraite du film Invasion Los Angeles (They Live) de John Carpenter (1988)
Découvrez le cinquième épisode de nos sélections de ressources en ligne sur le 7ème Art : films, conférences, émissions TV, livres numériques et autres documentaires pour faire patienter tous les cinéphiles jusqu'à la réouverture des cinémas !
Pendant toute la période de confinement, les bibliothécaires vous ont proposé des ressources à découvrir en ligne autour du 7e Art. Alors que le déconfinement est déjà bien amorcé, vous pouvez découvrir notre cinquième sélection, et consulter à nouveau le premier, deuxième, troisième et quatrième épisode.
Pour accéder directement aux :
- Conférences, débats, masterclass...
Bon visionnage !
FILMS
Adieu Philippine
De Jacques Rozier (1962)
Michel est machiniste à la télévision. Il lui reste deux mois avant de partir effectuer son service militaire en Algérie. La rencontre de Juliette et Liliane, draguées à l’entrée d’un studio, le pousse à quitter son travail pour partir en Corse profiter de ses derniers jours de liberté.
Dans le cinéma de Rozier, il flotte un air qu'on ne trouve nulle part ailleurs. Un climat doux et léger. Loué par la Nouvelle Vague, balançant entre marivaudage enfantin et comédie musicale, Adieu Philippine conserve tout entier sa grâce naturelle. Comme aucun autre film, il parvient à restituer l’atmosphère des années 60, à saisir l’air du temps, la jeunesse, l’insouciance, le libertinage. La bande-son égrène de la musique yéyé, de la variété, du cha-cha-cha, des airs de jazz. La seconde partie, en Corse, est un modèle de lyrisme discret. Tout n'est qu'affleurements stylisés, chagrins volatils, gaieté insolente (voir en particulier la scène de la guêpe sur la plage). Derrière une apparente légèreté, il y a dans le Adieu Philippine un arrière-plan sombre et inquiétant : celui de la la guerre d’Algérie. Le premier carton du film l’annonce : « 1960, sixième année de guerre en Algérie ». Et Michel sait son départ imminent … Rozier affirme avec son premier film son style et sa manière, dans sa façon de laisser aller ses personnages, parfois libres d’improviser, de les poursuivre avec sa caméra dans des moments de vérité rares, débridés, entièrement à eux, n’hésitant pas à modifier ses scénarios au cours du tournage.
Fin d'automne
de Yasujiro Ozu (1960)
Trois hommes d'âge mûr sont réunis pour une cérémonie en mémoire de Miwa, leur ami commun. Sa veuve Akiko et sa fille de 24 ans, Ayako, sont également présentes. Les trois amis s'accordent sur la beauté des deux femmes et songent à vouloir trouver un mari pour la plus jeune. Ils s'emploient à lui trouver des prétendants tout en considérant le possible remariage de la jolie veuve…
Le cinéma d' Ozu, c’est l’épure constante, un cinéma à hauteur d’homme, filmé au «ras des tatamis» comme il se plaisait à le dire lui-même. C’est le refus du maniérisme, la recherche persistante d’une forme simple, le rejet de toute dramatisation, la formulation d’une idée par son principe cinématographique le plus évident : un plan, un personnage, une réaction. «Je veux», disait-il, «donner aux gens le sentiment de la vie sans retracer les hauts et les bas dramatiques » et ainsi se concentrer sur l’essentiel, à savoir les personnages, ce qu’ils vivent, les petits riens du quotidien, l’émotion vraie de la vie normale. Dans Dernier automne, Ozu concentre son récit autour de la relation mère/fille, très belle et sincère et l'hypothèse d'un future séparation. Et encore une fois la magie opère. On est soulevé par un cinéma aussi confiant dans ses possibilités et sa simplicité, qu'Il suffit de regarder pour ce qu'il est : une fenêtre sur le monde qui nous renvoie un paysage singulièrement familier.
Wim Wenders dit son admiration dans son film Tokyo Ga: "Si notre siècle donnait encore sa place au sacré, s’il devait s’élever un sanctuaire du cinéma, j’y mettrais pour ma part l’œuvre du metteur en scène japonais Yasujiro Ozu…" avant d'ajouter :" Aussi japonais soient-ils, ces films peuvent prétendre à une compréhension universelle. Vous pouvez y reconnaître toutes les familles de tous les pays du monde ainsi que vos propres parents, vos frères et sœurs et vous-même. Pour moi le cinéma ne fut jamais auparavant et plus jamais depuis si proche de sa propre essence, de sa beauté ultime et de sa détermination même : de donner une image utile et vraie du vingtième siècle".
Fin d'automne n'y déroge pas. il existe bien un miracle Ozu.
L’Insoumis
de Alain Cavalier (1964)
L’insoumis est un titre à part dans la filmographie de Delon et un film étonnant de son réalisateur, Alain Cavalier. Comme Le petit soldat, de Jean-Luc Godard, il fut victime de la censure et amputé de trente minutes après avoir été un moment interdit. Le film aborde le sujet brûlant de l’indépendance de l’Algérie moins de deux ans après la vague d’attentats meurtriers organisés par l’Organisation armée secrète. C'est le portrait d’un déserteur, ancien soldat de la légion étrangère, qui trahit des employeurs, membres de l’OAS, et permet l’évasion à Alger d’une avocate qu’il était censé surveiller dans sa geôle. Pourtant cette histoire d’enlèvement puis de libération n’a rien d’un pamphlet politique. C’est de manière instinctive que le personnage interprété par Delon choisit d’aider la jeune femme séquestrée. Le prologue du film nous le montre déjà désobéir à son officier pour courir au secours d’un copain sous les balles des fellaghas. C’est un individualiste dont le seul idéal est la liberté.
Avec son style épuré au service de l’action, L’Insoumis ne cache pas sa dette envers le film noir américain, son atmosphère violente et ses antihéros romantiques. Delon est superbe en animal traqué.
Jour de colère
de Carl Theodor Dreyer (1943)
Après l’échec commercial de Vampyr, Dreyer reste dix ans sans tourner. En1943, alors que son pays est occupé, il parvient à réaliser Jour de colère, une histoire de sorcellerie et d’amour impossible dans l’austère Danemark du XVIIe siècle. Anna est mariée, sans qu’elle l’aime, à un pasteur qui a sauvé sa mère du bûcher. Celui-ci ordonne bientôt de brûler vive une "sorcière" qui venait lui demander de l'aide. Dans les flammes, la sorcière maudit le pasteur avec toute sa fureur. Mais la colère qui se lève est celle de Dieu. L’interrogatoire et la scène de la torture par les notables de l'époque évoquent les pratiques des occupants nazis. Le film est une charge contre l’intolérance. L’aspect pictural opposant ombres et lumières frappe et rend perceptible l’affrontement entre le bien et le mal où la lumière elle-même cherche la clémence. André Bazin a écrit dans l’Écran Français de 1947 que « la véritable originalité de Jour de colère réside évidemment dans la mise en scène. Volontairement et savamment picturale, elle recherche et atteint le style de la peinture flamande. Grâce à une science admirable des lumières et du cadrage servie d’ailleurs par l’opposition de ton des costumes, la moitié du film est un Rembrandt vivant. »
"Je te vois à travers mes larmes, mais personne ne vient les essuyer " sont les dernières paroles de la sorcière avant de mourir sur le bûcher.. Elles s’adressent autant à Dieu qu’aux hommes.
Le départ
de Jerzy Skolimowski (1967)
Le Départ est le premier film tourné hors de Pologne par Jerzy Skolimowski. Il reçoit l'Ours d’or au festival de Berlin en 1967. Le cinéaste est alors, avec Roman Polanski, la figure de proue du jeune cinéma polonais. Malgré ce prix, l’accueil du public est dans un premier temps défavorable. La critique le réhabilitera.
Le film raconte l'histoire d'un jeune homme qui cherche par tous les moyens possibles une voiture pour participer à un rallye automobile. Il rencontre durant sa quête une jeune fille…
Skolimowski aborde des thèmes importants de son œuvre : la société de consommation, l'aliénation qu'elle entraine, la jeunesse, et dans un final qui tranche avec le reste du film, l'arrivée à l'âge adulte. La musique free jazz composée par le Polonais Krzysztof Komeda y tient une place prépondérante et s'accorde avec le jeu « physique » et spontané de Jean-Pierre Léaud qui vient de tourner dans Masculin féminin de Jean-Luc Godard. La virtuosité et les excentricités dont il fait preuve sont ici dignes des grands acteurs burlesques. Les rues de Bruxelles sont filmées par Willy Kurant (qui a fait lui aussi Masculin féminin) dans un magnifique noir et blanc contrasté.
Tout dans le film regarde la Nouvelle Vague, comme une sorte d'hommage libre et fraternel, tout en restant, par ses thèmes, dans la droite lignée des premiers films polonais.
Les contes de la lune vague après la pluie
de Kenji Mozoguchi (1953)
Le Japon au XVIe siècle. Deux couples de paysans sont pris dans la guerre civile et partent pour la ville. Kenjuro le potier rencontre la princesse Wakasa au marché et en tombe éperdument amoureux. Elle l'entraîne dans son manoir. Mais Kenjuro apprendra à ses dépens à ne pas se fier aux apparences.
En 1953, lorsque paraissent Les Contes de la lune vague après la pluie, Kenji Mozoguchi en est à un nouveau départ. Influencé par le néo-réalisme italien, il réalise en 1952 La Vie d'O'Haru, femme galante. C'est le début d'une suite ininterrompue de chefs-d’œuvre jusqu'à sa mort en 1956. Le film est inspiré de deux contes d'Ueda Akinari, auteur japonais du XVIIIe siècle.
Les "Contes" sont emblématiques de l'art du cinéaste. On peut y projeter tout l'imaginaire occidental de l'Orient japonais : les paysages, où terre, eau et ciel se mêlent, le légendaire, les histoires de fantômes, la place de la littérature, du nô et du kabuki dans le cinéma de Mizoguchi ! C'est surtout une œuvre à la précision de mise en scène inégalée, d’une poésie et d’une subtilité infinies. Elle exprime à la perfection les sentiments et les tourments des personnages, ainsi que les intentions de l’auteur, par un génie de la composition et des mouvements de caméra. « Un film somptueux ! » dira Martin Scorsese pour qui il est l’un des 10 films majeurs de l’histoire du cinéma.
COURT-MÉTRAGES
Toujours moins
de Luc Moullet (1988)
"Bonjour, votre appel concerne : tapez 1 : un problème de connexion à Internet, tapez 2 : ma ligne téléphonique ne fonctionne plus". Depuis une dizaine d'années, tout le monde connaît ce genre de message très énervant et tout-à-fait déshumanisant. Comment en sommes-vous arrivés là ? Et pour quelle raison? Prenez 14 minutes sur votre propre temps personnel et Luc Moullet va tout vous expliquer. C'est clair, caustique et assez consternant. Mention spéciale à la visite éclair d'un hôtel de type Formule 1 qui nous projette directement dans une ambiance de film d'horreur à la Dario Argento. Spoiler : les automates d'une célèbre bibliothèques du réseau parisien -dans lequel les films de Luc Moullet sont empruntables - y font bonne figure : la reconnaîtrez-vous?
L’homme qui plantait des arbres
de Frédéric Back, d’après Jean Giono (1987)
Ce film d’animation québécois a été récompensé par plus de 40 prix à travers le monde dont l’Oscar du meilleur film d’animation, que Frédéric Back avait déjà reçu pour Crac ! – fable nostalgique contant l’histoire d’une chaise à bascule. Réalisé en 1987, il est porté par une voix off, et quelle voix off ! puisque c’est Philippe Noiret qui lit en intégralité le texte de Jean Giono, lui apportant sa chaleur et son grain si particulier. L’animation accompagne avec délicatesse ce manifeste écologiste et humaniste. Le trait léger et toujours en mouvement lui insuffle vie et légèreté.
La première partie du film, tout en couleurs monochromes, nous révèle un paysage désolé et un homme mutique, puis les couleurs se multiplient et gagnent en intensité à mesure que les arbres croissent et que la vie revient dans ce coin de montagne - jusqu’à un final digne de la peinture impressionniste. Alors sans hésiter (et dès 7 ans), précipitez-vous sur ce film plein de poésie et d’espoir où les gestes les plus simples permettent à un homme de retrouver la sérénité et sa place dans le monde grâce à la nature qui rend finalement toujours plus que ce qui lui a été donné !
À noter : il existe également une version anglo-saxonne narrée par Christopher Plummer.
La ricotta
de Pier Paolo Pasolini (1963)
Ce moyen métrage réalisé par Pasolini en 1963 faisait initialement partie d’un film collectif à épisodes, RoGoPaG, parlant de la société de consommation moderne et auquel participaient également Roberto Rosselini et Jean-Luc Godard. Il déclencha un énorme scandale. « L’accusation était celle d’insulte à la religion. Beaucoup plus juste aurait été d’accuser le réalisateur d’avoir insulté les valeurs de la petite et moyenne bourgeoisie italienne» a écrit Alberto Moravia.
Pasolini avait écrit le scénario sur le tournage de Mamma Roma. C'est l’histoire d’un film dans le film, qui mêle réflexion sur le cinéma, références picturales et transposition de la passion du Christ, sur un mode trivial, à travers le destin tragique d’un crève-la-faim des faubourgs de Rome engagé pour jouer l’un des larrons crucifiés aux côtés du Christ. A l’issue d’épisodes tragi-comiques pour glaner un peu de nourriture, il s’empiffre de ricotta sous les rires moqueurs de l’équipe et meurt d’indigestion sur la croix. Le message était provocateur. Pour Pasolini, seul le sous-prolétariat était encore digne de partager le martyr du Christ. La Ricotta, jugé blasphématoire, Pasolini écopa d'une peine de 4 mois de prison avec sursis. En appel, le non-lieu fut ordonné. A noter : Orson Welles joue le rôle du cinéaste génial et marxiste reconstituant une descente de croix peinte par Masaccio.
Strangulation blues
de Leos Carax (1980)
Au cours d'une nuit parisienne, Paul joue à étrangler Colette. Au petit matin, il prend la fuite... Alors qu’il a 19 ans, Leos Carax réalise son premier court-métrage Strangulation Blues.
Primé par le Grand-Prix du court-métrage au festival de Hyères en 1981, il permet au réalisateur de se faire connaître et de réaliser son film culte en noir et blanc Boy meets girl en 1984, avec son acteur fétiche Denis Lavant. On trouve dans Strangulation Blues le noir crépusculaire, le mélange entre cinéma muet et de Nouvelle Vague, et le même rapport aux relations amoureuses que dans Boy meets girl.
Tout le monde dit je t'aime
de Cécile Ducrocq (2015)
Et pour vous, dit-on trop souvent « Je t’aime » ? Dans ce court métrage, deux adolescentes débattent de ce sujet fondamental et intemporel. Ce film a reçu le soutien du fonds d’aide au court métrage de la ville de Paris.
DOCUMENTAIRES
La Mariée
de Joël Curtz (2012)
Les Lecteurs de Nathalie Léger ont découvert l'existence de l'artiste Pippa Bacca dans son très élégant essai La Robe Blanche (Prix Wepler Fondation la Poste 2018 s'inspirant du très beau film de Joël Curtz). Qui était Pippa Bacca ? On ne le saura jamais vraiment. Ce qu'on sait c'est que sa performance artistique a tourné court et que son corps sans vie a été retrouvé en mars 2008 en Turquie. Lorsque Joël Curtz a décidé d'entamer en 2012 un voyage filmé en mémoire de cette artiste atypique, il était loin de s'imaginer qu'il arriverait à entrer en possession de la caméra de Pippa - qu'elle ne quittait jamais - et de pouvoir en restaurer les images filmées ainsi que celles filmées par son meurtrier.
La Mariée est un film documentaire vertigineux et profondément émouvant prolongeant le geste inachevé de Pippa Bacca, une belle âme qui croyait à la bonté des autres. Merci à l'école Le Fresnoy de Tourcoing d'avoir mis - durant le confinement - à la disposition du public ce très rare et poétique objet filmique qui a remporté de nombreux prix.
Où en êtes-vous, Barbet Schroeder?
documentaire de commande pour le Centre Pompidou, collection "Où en êtes vous",
Le 15 décembre 2012, Barbet Schroeder découvre que le "lieu chéri de son enfance a été détruit à tout jamais". Par la faute d'un voisin indélicat, sa forêt magique n'est plus et, pour la première fois de sa vie Barbet Schroeder ressent de la haine à l'état pur pour un être humain. Comment composer avec ce sentiment nouveau lorsqu'on est bouddhiste ? Comment interrompre ce cycle de la haine ? Son échange - pourtant fructueux - avec un ami philosophe n'apaisant pas cette envie dévorante de détruire l'objet de sa tristesse, Barbet Schroeder entreprend un voyage en Birmanie, à Mandalay, l'une des plus grandes villes bouddhistes du monde. Parti pour se débarrasser de sa haine, il découvrira la haine raciale qui sera l'objet de son documentaire Le vénérable W, conclusion de sa trilogie sur le mal entamée avec Général Idi Amin Dada : Autoportait et L'Avocat de la terreur sur Jacques Vergès.
Où en êtes-vous, Barbet Schroeder? constitue la genèse tout autant que le journal du tournage de ce documentaire particulièrement éprouvant à regarder. Barbet Schroeder a-t-il guéri de cette haine après ce voyage l'ayant plongé au cœur d'un génocide ? Rien n'est moins sûr.
John Carpenter, l'héritage musical
De Aslak Lefevre (2017)
John Carpenter grand-père de la French Touch ? C'est ce que ce documentaire produit par la revue Rockyrama laisse entendre. On sait que sa musique a beaucoup influencé la musique électronique des années 90 et 2000, en particulier Daft Punk, Kavinsky, Air, et le duo Zombie Zombie - dont l'un des membres est interrogé dans ce mini-documentaire - mais son influence remonterait à beaucoup plus loin (le krautrock ou la techno de Detroit). Fils d'un professeur de musique, John Carpenter a découvert grâce aux synthétiseurs le moyen de produire une musique efficace et à moindre coût. Selon John Carpenter, c'est grâce à son père que le mythique thème du film Halloween (1978) a vu le jour puisqu'il n'aurait fait que reproduire un rythme qu'il lui aurait enseigné des années auparavant.
En 2006, Halloween est choisi par la Bibliothèque du Congrès pour figurer au National Film Registry en tant qu’œuvre « culturellement, historiquement ou esthétiquement importante » et on peut se demander si le même film mis en musique par, par exemple, un Alexandre Desplat aurait connu le même succès. Toujours au sujet d'Halloween, John Carpenter a déclaré : « Je crois que l'aspect répétitif et minimaliste de la mélodie a permis d'accroître la tension des images » mais on peut considérer que cette recette s'applique à l'ensemble de ses bandes originales avec une mention spéciale pour Le Prince des Ténèbres.
Si la carrière cinématographique de John Carpenter est actuellement au point mort, ses ventes d'albums studio et ses tournées mondiales en compagnie de son fils remportent un franc succès.
Il faut bien l'avouer, ce documentaire est un peu court et nous laisse légèrement sur notre faim mais il a le mérite de mettre en évidence le rôle et l'influence de John Carpenter auprès des jeunes générations et, surtout, de nous redonner furieusement envie de revoir et de réécouter ses magistrales compositions.
Et évidemment, on vous quitte en musique ici et là.
John Cassavetes
de Hubert Knapp & André S Labarthe (1969)
John Cassavetes est un épisode de la collection Cinéastes de notre temps réalisé par André S. Labarthe et Hubert Knapp. En 1965, John Cassavetes commence le montage de son film Faces. Il a décidé de prendre le contre-pied de la production hollywoodienne, en faisant son film de façon indépendante. Renouant avec l'expérience de Shadows, il explique comment le film a été produit, tourné et monté dans sa propre maison avec des bénévoles, comment il met l'acteur au centre de ses films, s'attachant à révéler la spontanéité des relations humaines et l'intimité entre les êtres.
La façon de filmer de Cassavetes, sans grands moyens et avec une caméra légère, se rattache au courant cinématographique alors naissant au cours des années 1950 de "cinéma direct", ou "cinéma vérité". Ce cinéma indépendant, à rebours du style hollywoodien classique, s'attache à questionner le plus possible la question du réel, à retranscrire des moments de vie, à filmer au plus près des êtres.
A voir également, « Cinéma Cinémas - Cassavetes - Hollywood 65 » (1986 )
Une journée d'Andreï Arsenevitch
de Chris Marker (1999)
« Tout avait commencé l’été précédent, quand je m’étais trouvé avec Anatole Dauman (producteur) sur le tournage du Sacrifice à Gotland. J’inaugurais ma caméra vidéo portable, alors une nouveauté, et j’avais fait une série de prises de vues sans projet précis, pour tester la bête et pour le plaisir de conserver quelques moments d’un génie au travail. […] Lorsque les premiers signes de son cancer étaient apparus, et qu’il avait dû travailler sur son film à distance, il m’avait fait comprendre qu’il aimerait qu’une trace soit conservée de cette épreuve dans sa vie, et le tournage, commencé au soleil et dans la bonne humeur à Gotland, avait continué à mesure que l’hiver et la maladie en changeaient la couleur. C’est donc tout naturellement qu’il m’avait demandé d’assurer l’enregistrement de l’arrivée d’Andrioucha (son fils) à Paris » Chris Marker, in Repérages, mai-juin 2000
C'est à partir de la journée qui voit le retour du fils de Tarkovski, retenu depuis cinq ans en URSS par les autorités dans une chambre d'hôpital que s'entame la conversation entre les deux réalisateurs. Tarkovski, alité, est malade, atteint d'un cancer qui lui sera fatal.
Dans ce documentaire, on le voit, entre autre, agencer le dernier plan du Sacrifice, probablement l'un des plus beaux plans séquence de l'histoire du cinéma, visionner son montage, répéter avec ses comédiens, filmer méticuleusement des icones …
Une journée d'Andreï Arsenevitch propose une leçon de cinéma et montre comment le réalisateur russe a affranchi son art de la littérature et de la peinture autour des thèmes récurrents qui lui sont chers.
Paparazzi
de Jacques Rozier (1963)
Paparazzi est un documentaire français réalisé par Jacques Rozier et sorti en 1963. Le 17 mai 1963, à 5 heures du soir, l’équipe du film Le Mépris débarque à Capri pour tourner les scènes extérieures. L'arrivée, sur l' île enchanteresse, de Brigitte Bardot, et de son metteur en scène Jean-Luc Godard, s'accompagne dune horde de paparazzi qui les piste depuis Rome. Les rochers qui surplombent la villa Malaparte, lieu du tournage, sont truffés de photographes bardés de leur attirail, notamment de leurs monstrueux téléobjectifs de l'époque (300 mm) permettant d'obtenir, à 50 mètres, le cliché en pied d'un personnage…
Regarder en ligne (1ère partie) Regarder en ligne (2ème partie)
CONFÉRENCES & PODCASTS
Astres et désastres
Conférence au Forum des Images de Pierre Pigot (2012)
21 décembre 2012, souvenez-vous : une prophétie Maya nous prédisait la fin du monde et grâce aux cinéastes nous nous pensions peut-être armés pour passer ce cap. C'est dans ce contexte, que le Forum des Images a prié Pierre Pigot, historien de l'art, de nous éclairer sur ce "grand jour de la superstition" à l'écran. S'appuyant sur le travail de l'historien de l'art allemand Aby Warburg, il en conclut que l'humanité est schizophrène et irrationnelle d'où sa propension à se faire peur pour mieux maîtriser ses angoisses. Créer des images mentales de la fin du monde c'est réussir à s'en tenir à distance.
Si le propos de Pierre Pigot est parfois assez nébuleux (mais, comment faire autrement quand on s'appuie sur le travail d'un historien interné pendant 3 ans car convaincu d'avoir provoqué la Première Guerre Mondiale ?), il nous permet cependant de revenir aux origines des films d'apocalypse.
C'est ainsi que nous découvrons que durant le première moitié du XXème siècle, seuls deux films parlèrent de la fin du monde : La Fin du Monde d'Augustus Blome datant de 1916 et qu'on vous glisse ici et La Fin du Monde d'Abel Gance de 1930 dont le DVD (réédité en 2012) est disponible dans le réseau des bibliothèques de la Ville de Paris.
Ces deux films traitent d'une comète se dirigeant droit sur le terre et s'inscrivent dans un double contexte : l'avant-dernier passage de la comète de Halley en 1910 qui provoqua l'hystérie collective dans la presse pendant plusieurs mois et les conséquences de la Première Guerre Mondiale. Ils présentent beaucoup de points communs : les différents points de vue des savants dépassés par les événements occupent le centre de l'attention, suivis des théories complotistes de la manipulation boursière et d'une certaine conscience de classe (on ne vit pas la fin du monde de la même façon qu'on soit pauvre ou riche). Toutes les images archétypales de ces deux films (gros plan sur le compte à rebours avant la fin du monde, images de destruction des monuments les plus célèbres du monde) se retrouveront dans les films "catastrophe" de la deuxième moitié du XXème siècle (on pense ici tout particulièrement aux films de Roland Emmerich : 2012 et Le Jour d'après).
C'est dans les années 50 que "le film de la fin du monde" prendra son essor dans un contexte de Guerre Froide ; il n'opérera plus de mise à distance : l'image de la fin du monde allant désormais de soi, elle s'offre désormais en spectacle provoquant une jouissance esthétique chez certains réalisateurs. La fin du monde n'est plus une image maîtrisée et maîtrisable dans un cadre (le film), elle advient à l'écran tout simplement : la première bombe H, Ivy Mike, explose dans l'océan Pacifique le 1er novembre 1952.
2011: le sublime Melancholia de Lars von Trier réactive le motif de la planète Saturne (ici rebaptisée Melancholia car ses révolutions sont peu prévisibles) afin de recréer sa propre fin du monde. Pour sortir de sa dépression, Lars von Trier doit provoquer la fin du monde à l'écran. Justine (merveilleuse Kirsten Dunst), alter ego de Lars von Trier, s'avèrera capable de lire les astres et d'entrer en relation avec cette planète qui mettra fin à son chaos personnel. Justine maîtrisera son démon personnel et Lars von Trier signera l'un des plus beaux films des années 2000.
C comme Joan Crawford : un monstre dans la jungle d’Hollywood
Podcast en écoute sur le site de France Culture (2019)
Son visage a servi de modèle à la méchante reine de Blanche-Neige. Le film inspiré de sa vie Maman très chère lui a valu de figurer dans le top 50 des « 50 plus grands méchants de l’histoire du cinéma » et sa rivalité - probablement mise en scène par les studios - avec Bette Davis a inspiré à Ryan Murphy la série Feud.
Du cinéma muet aux années 70, tout comme Barbara Stanwyck , Joan Crawford (de son vrai nom Lucille Fay LeSueur) a incarné à l'écran le stéréotype peu flatteur de la femme "monstrueuse", subversive et arriviste, assignée au rôle peu flatteur de la gold digger (littéralement "chercheuse d'or", ce qui à l'écran, signifiait : chercheuse de mari fortuné) rien ne lui aura été épargné. Joan Crawford a dû se battre pour obtenir ce que tant d'interprètes masculins obtenaient sans difficulté avant d'être sans cesse ramenée au même genre de rôle, enfermée dans une rivalité stérile et sexiste avec ses autres collègues féminines - le film Femmes de Cukor constituant un sommet du genre - décrétée par les tycoons d'Hollywood. On qualifia son jeu d'actrice de "viril" alors qu'on ne cessa de lui attribuer des rôles de femmes écrasant les hommes à l'écran. Il est vrai que son visage manquait quelque peu de naturel car il fut refait et retravaillé à la demande des studios. Son corps et son visage étaient ses outils de travail et rien n'a changé depuis (ou presque).
Le rôle de Mildred Pierce (1945) pour lequel elle obtint un oscar lui permit, pour quelque temps, de s'affranchir du stéréotype de la "méchante manipulatrice" et de démonter ses talents d'actrice mais, très vite, on lui proposa à nouveau des rôles stéréotypés : le film Humoresque (1946) l'enferma ainsi pendant quelques années dans un nouveau cliché, celui de la femme cougar riche et en quête de chair fraîche masculine.
Son rôle dans le western féministe Johnny Guitar (1954) n'aura donc été qu'une parenthèse enchantée avant que, l'âge se faisant sentir, on ne lui propose plus que des rôles de quasi-démentes dans le registre du drame psychiatrique ou du film d'horreur géronto-baroque ne mettant, forcément, en scène que de vieilles actrices... (Qu'est-il arrivé à Baby Jane ?). Devenue caricature d'elle-même dans plusieurs films de série B (Une femme diabolique, La meurtrière diabolique) , elle assista à la fin du cinéma classique avant de mettre un terme à sa carrière au début des années 70.
Contrairement à Mary Pickford ou Greta Garbo, retranchées dans leurs manoirs par peur de montrer leurs visages vieillissants à l'écran, Joan Crawford eut le courage de s'imposer jusqu'à la fin et de montrer ainsi la voie aux futures générations d'actrices qui, en partie, grâce à elle purent accéder à des rôles un peu plus étoffés, moins caricaturaux et ce, jusqu'à un âge avancé.
A savoir : le livre de Maxime Donzel Hollywood Monster sera bientôt disponible dans le réseau des bibliothèques de la Ville de Paris.
Fassbinber en fanfare
Podcast à écouter sur le site de France Culture (2018)
Fassbinder est mort à 37 ans, il y a 36 ans, mais son œuvre (44 films pour le grand et le petit écran en l'espace de 16 ans) n'a rien perdu de son caractère d'actualité et ne cesse de nous surprendre. Fan de Douglas Sirk, son travail fut d'abord reconnu par la critique new-yorkaise avant d'obtenir ses lettres de noblesse au milieu des années 70 dans une Europe toujours meurtrie par les conséquences de la Deuxième Guerre mondiale.
On le sait Fassbinder était le "poil à gratter", la mauvaise conscience de l'Allemagne des années 70 où on le qualifiait de "génie monstrueux". Si son œuvre ne semble plus déranger son pays natal, la Fondation Rainer Maria Fassbinder présidée par Juliane Lorenz (monteuse de 13 de ses films et dernière compagne) ne touche toujours pas de subventions de l'État ce qui, pour les cinéphiles est une grande tragédie car il reste encore des films inédits de cette œuvre si singulière en attente de restauration. Pourquoi une telle mise à l'écart?
Est-ce parce que certains de ses films comme le soutient Alban Lefranc étaient insupportables à voir car trop pervers (Le Droit du plus fort, Tous les autres s'appellent Ali ) et pouvaient heurter la conscience du spectateur ? Ou parce qu'il s'avérait parfois impossible de faire la différence dans ses films entre la fiction et le documentaire (L'Allemagne en automne) ? Ou plus simplement parce que Fassbinder ne prenait pas ses spectateurs et téléspectateurs pour des idiots ?
Sa grande force fut de savoir accompagner ses personnages sans les juger. Au contraire d'un Pasolini, il les autorisa même à être abjects alors même qu'ils incarnaient à l'écran des marginaux, étrangers, homosexuels ou travailleurs pauvres. Chez Fassbinder, tout le monde était logé à la même enseigne, pas de rédemption pour "les damnés de la Terre", pas de passe-droit non plus pour les plus riches hétéronormés toujours dans le déni des atrocités commises par le peuple allemand pendant la guerre.
Les téléspectateurs ne s'y trompèrent pas en plébiscitant ses séries Berlin Alexanderplat mettant en scène des personnages banals, déclassés ou au contraire dans Huit heures ne font pas un jour des ouvriers pas encore démolis par leur condition, vivant des amours et les tracas de la vie quotidienne comme n'importe quelle autre classe sociale. Son adaptation télévisée du roman Simulacron 3 de Daniel F. Galouye, Le Monde sur le fil, nous prouve aussi qu'il fut un temps où on proposait des programmes de qualité aux téléspectateurs et que son incursion dans le domaine de la science-fiction a, sans aucun doute, inspiré de nombreux réalisateurs peu prompts à le reconnaître.
Le roman d'Alban Lefranc, Fassinder la mort en fanfare et les films et séries de Rainer Maria Fassbinder sont empruntables dans le réseau des bibliothèques de la ville de Paris et, en attendant leur réouverture, on vous glisse ici un petit cadeau d'arte.tv.
A découvrir également sur notre bibliothèque numérique, Rainer Werner Fassbinder de Claire Keiser
Luchino Visconti : la beauté au cœur du temps
Podcast à écouter sur le site de France Culture (1985)
S'il existait un prix pour les podcasts, on remettrait bien volontiers à Luchino Visconti : la beauté au coeur du temps celui du plus élégant podcast de tous les temps car rarement un podcast n'aura aussi bien réussi à restituer l'œuvre d'un artiste et l'atmosphère si personnelle de ses films.
Luchino Visconti né en 1906 d'ascendance aristocratique a grandi au cœur d'une Italie peu marquée par la modernité, protégée de l'industrialisation et dans un environnement privilégié (il rencontra chez ses parents Arturo Toscanini, Giacomo Puccini et l'écrivain Gabriele D'Annunzio). S'il pensait qu'il fallait "être incultivé pour un être un réalisateur neutre", en bon humaniste qu'il était, il adapta les plus grands noms de la littérature (Les Malavoglia de Giovanni Verga dans La Terre tremble, Fiodor Mikhaïlovitch Dostoïevski pour Les Nuits blanches, Giuseppe Tomasi di Lampedusa pour Le Guépard, Thomas Mann pour La Mort à Venise). Les Amants diaboliques (1942) mettant en scène des italiens suffoquant sous la dictature fut censuré par le pouvoir fasciste et La Terre tremble (1948) dénonçant les conditions de vie déplorables des pêcheurs siciliens gêna l'Italie.
Après cette parenthèse néo-réaliste, Luchino Visconti acta la fin d'une époque, la sienne, et se retrancha - à l'instar du prince Fabrizio Corbera di Salina dans Le Guépard – dans un cinéma tourné vers le passé, nostalgique. Comme le vieux compositeur Gustav von Aschenbach de Mort à Venise il aspira toute sa vie à la perfection et sa conception platonicienne de la beauté ne pouvait le mener qu'au tragique : il ne réussit jamais à mettre en scène La Recherche de Marcel Proust dont on vous livre la genèse ici.
Vous l'aurez sans doute compris, nous vous recommandons fortement l'écoute de ce podcast envoûtant et proustien, hors du temps, et dont vous ressortirez sans doute un brin nostalgique et avec une furieuse envie d'emprunter tous les films du comte de Lonate Pozzolo.
TÉLÉVISION
Blow Up
Le principe de ces petites vidéos (6 à 7 min) diffusé par Arte est de faire un montage sur un thème cinématographique à partir d'images de films divers, souvent retravaillées, ou superposées. En voici 3 exemples, réalisées par Johanna Vaude.
UFO Dreams
Toute première vidéo réalisée par Johanna Vaude pour le programme "Blow up", celle-ci explore l'univers des extra-terrestres au cinéma. On y reconnait à peine les images des films originaux, tant elles sont filtrées, transformées par des effets de couleurs, et montées dans un enchainement hypnotique sur une musique très évocatrice.
Monsters call
Cette fois-ci, la réalisatrice explore l'univers des monstres au cinéma : les images sont ici non transformées et beaucoup plus identifiables dans un montage très soutenu. On passe, entre autres, de King Kong (1933) aux zombies de Vaudou de Jacques Tourneur, sans parler des nombreuses versions des figures mythiques de Dracula, Frankenstein ou Godzilla. Mais ce montage fait aussi appel à des créatures bien plus effrayantes du cinéma d'horreur des années 1970-90 tels que Alien, la résurrection (Jean-Pierre Jeunet), Hurlements (Joe Dante) ou Inferno (Dario Argento). Cauchemardesque !
I turn home
Hommage très personnel de Johanna Vaude à l’œuvre de Stanley Kubrick : cette fois-ci les images des différents films du grand réalisateur sont superposées et montées subtilement pour finir par former une sorte de chorégraphie d'images et de sons envoutante et fascinante. A noter que la plupart des sources visuelles ont été solarisées, ou bien filtrées en négatif, ce qui renforce leur caractère onirique.
Le cinéma de femme – Agnès Varda (1978)
Interview de la cinéaste Agnès Varda en 1978 à propos d'un phénomène alors nouveau l'augmentation du nombre de cinéastes femmes. La cinéaste française s'exprime sur la place des femmes dans le cinéma alors qu'elles sont désormais totalement acceptées en tant que réalisatrices et scénaristes.
LIVRES NUMERIQUES
Le Cavalier de Saint-Urbain
de Mordecai Richler
Jake Hersch, réalisateur de film de deuxième catégorie, vaguement aigri, vaguement sur le point de réussir s'il n'était pas aussi orgueilleux se retrouve, bien malgré lui, au cœur d'un scandale sexuel. Il a bien des défauts ce Jake Hersch mais non, ça non, il n'a jamais trompé sa femme qu'il aime tant. Dès lors, comment supporter le battage médiatique qui entoure ce procès crapoteux ? En vivant par procuration la vie d'un autre peut-être. Dans une ambiance de Swinging London rappelant le Blow-Up de Michelangelo Antonioni , les aventures cocasses de ce pauvre Cavalier de Saint-Urbain vous feront passer un bon moment. C'est assez loufoque, irrévérencieux et symptomatique d'une époque désormais révolue. Bref, c'est du Mordecai Richler au meilleur de sa forme.
Hollywood Boulevard
de Melanie Benjamin
Au même titre qu'Anita Loos, Frances Marion fut l'une des plus célèbres scénaristes hollywoodiennes du XXe siècle. Première femme à remporter plusieurs oscars pour ses talents d'adaptatrice, ses scénarios furent adaptés par les plus grands réalisateurs de l'époque (Maurice Tourneur, John Ford, Frank Borzage, Henry King, King Vidor et Victor Sjöström pour le sublime Le Vent). Et pourtant, qui se souvient de Frances Marion ?
Et Mary Pickford, la "petite fiancée de l'Amérique", vous en souvenez-vous? Avec son mari, Douglas Fairbanks, Charlie Chaplin et D.W Griffith, elle fonda le studio indépendant United Artists. La moindre de ses sorties provoquait des émeutes en Europe et aux États-Unis et aucune star ou princesse du XXIème siècle ne devrait pouvoir s'apitoyer sur les affres de la célébrité après avoir vu les images de sa lune de miel à Londres en 1920. C'est en grande partie grâce au talent de Frances Marion que Mary Pickford atteint les sommets de la gloire. C'est aussi en partie à cause de ces mêmes rôles de petites filles qu'on continua de lui proposer alors qu'elle était largement en âge de jouer des rôles d'adulte qu'elle n'arriva pas à renouveler son répertoire. L'arrivée du parlant lui fut fatale, elle sombra progressivement dans l'alcool puis l'oubli.
Il fut donc un temps où les femmes eurent leur place à Hollywood et on pourrait même dire qu'après avoir largement contribué à l'essor de cette industrie naissante elles furent renvoyées à leurs domiciles, enfermées dans leurs manoirs, devenues subitement inutiles. Frances Marion réussit à mieux tirer son épingle du jeu car, finalement, elle fut toujours une femme bien plus libre que Mary Pickford mais, encore une fois, on ne peut que constater que les amitiés et les solidarités féminines n'eurent jamais leur place à Hollywood ou, d'une façon plus générale, dans le monde du cinéma.
Hollywood menteur
de Luz
D'abord proposé en 2016 en feuilleton mensuel dans la revue Les Cahiers du Cinéma, Hollywood Menteur est à la fois un hommage aux grands espaces, au cinéma et un exercice de réhabilitation de Marylin Monroe. On le sait, le tournage des Désaxés de John Huston fut assez catastrophique et le film un échec commercial lors de sa sortie. Il fut alors pratique d'en rendre Marylin Monroe responsable. Si on sait aussi que Les désaxés fut le dernier film achevé de Marylin, on sait peut-être moins que ce fut également le dernier film d'un Clark Gable alors déjà bien malade.
On ne saurait dire ici lequel des 3 acteurs principaux est le plus attachant : une Marylin en plein divorce complètement...désaxée, un Clark Gable grossier au possible, au bout du rouleau et particulièrement hilarant ou un Montgomery Clift désabusé, dépressif , absent à lui-même. D'échec commercial , le film devient progressivement culte, les photographies du tournage par l'agence Magnum contribuèrent à entretenir la légende et le Hollywood Menteur de Luz ajoute une pierre supplémentaire à l'édifice.
Cannes 1939 : le Festival de Cannes qui n'a pas eu lieu
de Olivier Loubes
1937: dans un contexte géopolitique tendu, le chant de la Marseillaise dans La grande illusion de Jean Renoir lors de l'ouverture de la Mostra de Venise déclenche les passions dans la salle. Les films soviétiques ne participent déjà plus à la compétition depuis 1935.
1938: Joseph Goebbels s'impose et fait pression sur le jury : Les Dieux du stade de Leni Riefenstahl remporte la Coupe Mussolini. Tollé général : les délégués anglo-saxons démissionnent et dans le train qui les ramène de Venise à Paris Philippe Erlanger (directeur de l'Association française d'action artistique) et ses collègues entendent contrer cette irruption de la propagande dans les festivals. L'idée d'un "Festival des nations libres" se met progressivement en place. Jean Zay, ministre de l'Éducation Nationale sous le gouvernement Daladier, cinéphile convaincu et fervent adversaire d'Hitler accepte de relever le défi. Le non-respect des accords de Munich conforte Jean Zay : il faut muscler la diplomatie culturelle française, Daladier approuve, le gouvernement financera la création du festival mais comment trouver une ville prête à devenir une "vitrine politique" et monter un festival aussi rapidement ?
Deauville et et Biarritz sont pressenties mais c'est finalement la ville de Cannes - grâce aux subventions de la mairie et aux propositions d'hébergement avantageuses du syndicat des hôteliers cannois - qui remportera la mise.
Jean Zay, américanophile, invite les responsables des studios américains à Cannes et signe avec eux un accord : les quotas du cinéma américain seront revus à la baisse en France tandis que les américains participeront au Festival de Cannes plutôt qu'à la Mostra de Venise programmée le même mois (septembre). Les organisateurs disposent de trois mois pour inventer, organiser et construire le Festival (juin, juillet, août), la presse française doute des capacités de Jean Zay et Philippe Erlanger à réussir cet exploit.
En août, Louis Lumière arrive en gare de Cannes, il sera le président de cette première édition, un paquebot affrété par la MGM déverse ses stars sur les plages de Cannes. La fête peut commencer mais elle sera de courte durée. Le 29 août 1939, la guerre est déclarée, Jean Zay suspend le festival et rejoint l'armée française. Il sera arrêté et emprisonné en 1940 puis lâchement assassiné par des miliciens antisémites en juin 1944.
1946: Philippe Erlanger est le premier délégué général du festival de Cannes. Il acceptera en en 1956 de retirer de la sélection Nuit et Brouillard d'Alain Resnais à la demande de l'Allemagne.
2013: à la demande des filles de Jean Zay, Gilles Jacob et la mairie de Cannes acceptent d'apposer une plaque commémorative près de l'auditorium Lumière.
2015: les cendres de Jean Zay sont transférées au Panthéon.
2019: la ville natale de Jean Zay, Orléans, organise une programmation de la sélection de l'édition de 1939 en présence de ses filles. Présidé par Amos Gitaï, un jury de professionnels décerne cinq prix.
2020: le festival de Cannes n'a pas eu lieu.