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La musique pour enfants en bibliothèque: découvrez l'histoire du Fonds discographique de l’Heure Joyeuse
Jeunes lecteurs, 1934 (Archives Heure Joyeuse)
Retour en images sur l'histoire du fonds discographique de l'Heure Joyeuse, un fonds unique en son genre, dédié à la musique pour enfant.
La Médiathèque Françoise Sagan accueille en octobre l’exposition "Miniatures. Le disque pour enfants en France (1950-1990)" dans le cadre du festival Formula Bula. Explorant le riche fonds discographique du Fonds patrimonial Heure Joyeuse, l’équipe de Radio Minus et les éditions L'Articho proposent une mise en lumière de ses trésors cachés, sous la forme d’un accrochage de pochettes, agrémenté d’un important volet sonore, documentaire et rédactionnel, reconstituant une histoire subjective de ce secteur encore largement méconnu.
Sélection de pochette
La musique pour enfants en bibliothèque: découvrez l'histoire du Fonds discographique de l’Heure Joyeuse
A cette occasion, ils reviennent sur l’historique de ce fonds unique avec Françoise Tenier, sa créatrice et responsable de 1974 à 2004.
De quand date l’idée de dédier des espaces pour les enfants dans les bibliothèques en France ?
A la création de l’Heure Joyeuse en 1924, réalisée avec des fonds américains dans le cadre de l’aide aux régions dévastées après la première guerre mondiale. Alors que les bibliothèques pour enfants étaient déjà présentes en Angleterre et aux États-Unis, il n’y en avait pas encore en France et en Belgique. Deux “Heure Joyeuse” ont ainsi été créées : l’une à Paris - l’autre à Bruxelles.
La bibliothèque, conçue par Marguerite Gruny, Claire Huchet et Mathilde Leriche, située dans un préau d’école rue de Boutebrie (5è arr.), a fonctionné pendant un an avec les fonds américains avant d’être cédée à la Ville de Paris. L’idée de Marguerite Gruny, directrice de 1924 à 1968, était de lire tous les livres pour enfants qui existaient et d’en faire des sélections, à l’époque du Front populaire et du courant de L’Éducation nouvelle. Ne figuraient en rayon que des livres qui avaient été lus, approuvés et analysés par les bibliothécaires. Et comme l’Heure Joyeuse était la première bibliothèque pour enfants de France, elle a été un lieu de formation, et d’accueil de stagiaires. Plusieurs “Heure Joyeuse” ont ainsi vu le jour, du Limousin à Pointe-à-Pitre. Le 5è arrondissement de l’époque réunissait entre autres des enfants d’origine immigrée, des familles qui avaient des difficultés, un public plus hétérogène qu’aujourd’hui. Les bibliothécaires faisaient à la fois un travail social et éducatif, elles faisaient faire aux enfants des expositions, des dessins, des pièces de théâtre.
Ex-Libris par Helen Stowe Penrose
Et à l’époque le disque n’est pas entré dans les collections? Qu’en est-il des partitions, qui se vendaient d’avantage que les disques?
En effet, à l’époque le disque était totalement absent. Il y avait des partitions pour enfants, beaucoup de partitions de chansons léguées en 1980 à la Maîtrise de Radio France. Il y a encore des recueils de chansons traditionnelles dans le fonds patrimonial.
A quel moment le disque arrive-t-il à l’Heure Joyeuse ? Et l’idée de l’archiver comme le livre ?
En 1974, au moment du déménagement de l’Heure Joyeuse à l’adresse actuelle rue des Prêtres-Saint-Séverin, j’ai été chargée d'introduire du son à la bibliothèque. L’idée était de constituer un fonds de disques pour enfants à destination des éducateurs, et non pour les enfants.
Dans les années 1960 - alors qu’il n’y avait aucune discothèque de prêt en France - Jean-Marie Daudrix a créé une association ayant pour fonction de développer les discothèques publiques et de créer une discothèque d’application, “témoin” - la Discothèque de France.
L’association avait créé des comités d’écoute, principalement en Jazz et Classique - le Rock étant alors persona non grata - qui faisaient des sélections et éditaient des critiques répertoriées dans la revue Sillon puis sur des fiches destinées aux bibliothécaires. Ces comités fonctionnaient essentiellement à partir de services de presse et avaient une collection extraordinaire, y compris de disques pour enfants. C’est ainsi qu’est née l’idée de créer la Commission d’écoute de disques pour enfants, avec Anne Bustarret qui était alors la seule à écrire sur le sujet (Disques pour nos enfants, 1970). Le comité a été lancé avec cinq personnes en 1976. Chaque disque sélectionné faisait l’objet d’une fiche à la Discothèque de France. Ce travail pionnier a suscité beaucoup d’intérêt de la part de bibliothécaires voulant acheter des disques pour leur établissement. Ce qui nous a poussées à éditer chaque année une liste des disques sélectionnés, qui devient à partir de 1983 Les meilleurs disques et cassettes pour enfants.
Qui composait la Commission?
La Commission d’écoute de disques pour enfants réunissait des gens d’horizons différents - des bibliothécaires jeunesse de la Ville de Paris, quelques discothécaires, une animatrice musicale, des gens de l’association Enfance et musique, une institutrice. Beaucoup étaient eux-mêmes parents.
En 1976 nous avons mis au point une classification spécialisée pour les disques jeunesse, en 1977 des grilles d’analyse : interprétation, qualité de la voix, articulation, vocabulaire, type de musique, instruments utilisés. En 1979 nous avons édité Les 100 sujets de 1000 chansons pour les enfants avec Anne Bustarret. Puis en 1981 nous avons créé l’exposition itinérante “Petites oreilles tous azimuts”, inaugurée à l’Heure Joyeuse, accompagnée d’une sélection de disques servant de guide aux bibliothécaires.
Catalogue d’exposition. Crédit photo : Emmanuelle Jacquot
Et comment avez-vous constitué le fonds destiné au public et ce qui est aujourd’hui le fonds patrimonial?
Après avoir constitué un fonds de vinyles destiné aux éducateurs, nous avons souhaité établir un fonds empruntable à l’arrivée de la cassette, et qui a perduré jusqu’à l'arrivée du CD. Le fonds discographique du Fonds patrimonial Heure Joyeuse réunit aujourd’hui les vinyles de la Commission d’écoute, auquel il faut ajouter divers dons : principalement ceux d’Anne Bustarret et les miens. Le reste provient de Loisirs Jeunes - association qui faisait une sélection de produits culturels pour enfants - de la bibliothèque de Pessac, et de la bibliothèque départementale du Val D’Oise.
Pour conclure, pourriez-vous nous citer quelques-uns de vos albums favoris ?
Steve Waring : Les grenouilles. Le Chant du monde
Alice au pays des merveilles, adapté par François Wertheimer. Philips
Guy Villerd et la compagnie de la Carrerrarie : La barbe bleue. Unidisc, collection « Zéro de conduite »
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La bibliothèque de l’Heure Joyeuse propose aujourd’hui à l’emprunt 2500 CD et livres-CD pour le public.
Le comité d’écoute de documents sonores pour la jeunesse de la Ville de Paris réunit toujours des bibliothécaires éditant des sélections mensuelles.
Le fonds discographique patrimonial est régulièrement sollicité pour des expositions à la Médiathèque Musicale de Paris et la Médiathèque Françoise Sagan.
Françoise Tenier est aujourd’hui membre de l’Académie Charles Cros dans le domaine des enregistrements pour enfants ; elle publie régulièrement des critiques de disques dans la Revue des livres pour enfants et partage sa passion pour ce genre méconnu sur son blog Enfants à l’écoute.
A lire
L’Heure Joyeuse, 70 ans de jeunesse : 1924-1994
Petites oreilles tous azimuts : l’enfant et ses disques
Anne Bustarret : Disques pour nos enfants
Françoise Tenier et Anne Bustarret : Les 100 sujets de 1000 chansons pour les enfants
Meilleurs disques et cassettes 1985
Par Stéphanie P., médiathèque Françoise Sagan