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Saison France-Portugal Le fado et le lyrisme
Oeuvre Street art de Frederico Draw - Lisbonne (Wikimedia Commons)
Pour clôturer en musique la saison France-Portugal en bibliothèque, introduction à l'art très particulier du Fado. Deuxième épisode : le fado et le lyrisme
Le Fado a toutes les caractéristiques d’une poésie lyrique : il incarne l’expression ardente et exaltée des sentiments, il traite de thématiques existentielles et du tourment qu’elles provoquent, et il est bien sûr destiné à être chanté et accompagné en musique.
Les thématiques du lyrisme fadiste traditionnel
Fernando Pessoa le disait si joliment : « La saudade, c’est la poésie du Fado ». Ce mot spécifiquement portugais, mélange indescriptible de mélancolie et de nostalgie, couvre en réalité un répertoire de sentiments bien plus vaste. La saudade est indissociable du genre du Fado et lui donne sa tonalité douce-amère.
Le Fado parle d’amour. L’amour dans ses multiples variantes, mais surtout lié à la fatalité du destin (fado vient d’ailleurs de fatum) et aux scenarios tristes ou douloureux : amour non partagé, amour interdit, jalousie, infidélité et trahison, vengeance et mort.
Le Fado est souvent empreint aussi de dévotion religieuse, caractéristique des courants de la spiritualité catholique à la fin du XIXe siècle au Portugal.
Enfin, le décor de la poésie lyrique comprend souvent des éléments naturels. La mer étant inscrite dans le lyrisme portugais, elle a une place de choix dans le Fado. Certaines études disent même que c’est elle qui a donné naissance au Fado. Au-delà des symboliques habituelles (reflet de l’état d’âme du poète, miroir de son sentiment), la mer est souvent personnifiée dans les poèmes.
Le lyrisme musical et théâtral
Le Fado n’échappe pas aux caractéristiques du discours lyrique : syntaxe, énonciation, ponctuation, champs lexicaux traduisent les mouvements du cœur et de l’âme (le poète s’adresse d’ailleurs souvent à son Moi, en parlant justement à son cœur ou à son âme). Dans le Fado Traditionnel (Fado Tradicional), la musique et les paroles sont dissociées, chaque fadiste s’approprie la musique et le poème qui l’accompagne. Cela passe par le choix des textes, mais également par des éléments musicaux spécifiques, destinés à accentuer le contenu émotif des vers :
- Les mélismes et autres ornementations vocales sont certainement dans le Fado un signe de l’héritage du peuple maure.
- La « stylisation » (estilização) de la mélodie : à chaque strophe, le fadiste crée des variations différentes, et le degré de transformation mélodique s’amplifie au fil du chant.
- La « division » (divisão) du texte : le fadiste peut changer le rythme de son énonciation, séparer ou regrouper des mots en plaçant des pauses où il le souhaite, en s’appuyant sur la pulsation rythmique inchangée des guitaristes.
- L’accentuation, les nuances et variations de tempo, menées par le chanteur jusqu’à la dernière strophe, qui comprend un ralenti général, un crescendo, une emphase, et un point d’orgue annonçant la fin du chant.
Enfin, n’oublions pas le lyrisme de la gestuelle et de la posture, la mise en scène qui accompagne l’interprétation, codifiée dans les années 1930 : les yeux mi-clos, les mains jointes, la tête en arrière.
Tel Orphée, incarnation du poète lyrique, le fadiste chante sa douleur et sa solitude, accompagné par des guitares, et son chant est aussi un remède : il exorcise la souffrance en la transformant en matière poétique.
À lire également
- L'accompagnement musical dans le Fado
- La musique portugaise du XIXe et du début du XXe siècle
A emprunter en bibliothèque
Par Ariane Badie, Médiathèque musicale de Paris