Séries musicale de l'été Danse & Jazz : la musique en mouvement (épisode 1)
Des danseurs dans un club de jazz de Washington D.C. entre 1938 et 1948 (©Picryl)
Cet été, les bibliothèques vous invitent à revivre l'histoire des liens entre la danse et le jazz. Une saga historique et musicale, à suivre tout l'été. Episode 1.
Danse et jazz comme fusion de cultures
L’Amérique va devenir la terre de la danse et de la musique à partir de la seconde moitié du XIXème siècle grâce à deux phénomènes : l’arrivée des esclaves arrachés d’Afrique, couplée avec les vagues successives d’émigrants européens. Alors que pour tout bagage, les africains n’ont que leur musique et leur danse, les européens emportent avec eux la musique classique européenne et leurs instruments de musique. Les deux cultures vont se mélanger, ce que l’on appellera aux Antilles le phénomène de créolisation qui touche la musique et la danse. Ces dernières ritualisent et rythment la vie en Afrique alors qu’elles sont élevées au rang d’un art en Europe.
Jazz sur la plage. 1928 Musiciens et danseuses (BnF).
Danse et jazz comme liberté
Tandis qu’en Europe, aller à un bal nécessite d’apprendre à danser, en Afrique tout le monde danse : la danse et la musique vont devenir populaires et non plus cantonnées à la seule élite. De la danse de salon et musique de chambre, la musique et la danse vont gagner peu à peu la rue, les bars et les salles de spectacle. La danse et la musique vont se libérer des carcans de la musique figée pour laisser la part belle au rythme syncopé et à l’improvisation.
La culture afro-américaine va progressivement conquérir le continent en suivant ce processus. Entre le milieu du XIXème siècle et le début du XXème siècle, le jazz issu de ce croisement de cultures africaines et européennes va naître dans les plantations de tabac et de coton des États du Sud des États-Unis pour gagner l’ensemble du pays du milieu rural au milieu urbain avant de conquérir l’Europe et le monde. Le succès du jazz naissant va contribuer à la lente émancipation des noirs américains.
Danse et jazz comme esprit de dérision et joie de vivre
L’émancipation des esclaves noirs a débuté au sein même des plantations. Le dimanche, jour de repos et surtout jour exutoire, les esclaves aimaient danser en imitant les danses de salon de leurs maîtres qui dansaient le menuet, le quadrille, la polka et la valse. Très choqués et amusés, ils vont les parodier en dansant de manière très rigide en levant haut les jambes tout en ajoutant la fougue et les rythmes syncopés des musiques africaines qui vont se fondre avec la musique savante européenne. Les maîtres s’esclaffent tout en étant loin d’imaginer que l’on se moque d’eux et vont raffoler de ces danses si drôles. Les premiers balbutiements du jazz et des premières danses qui l’accompagnent vont connaître un succès fulgurant. La musique syncopée faite de rythmes lents à frénétiques, les danses dans lesquelles le corps peut se balancer de manière humoristique vont marquer profondément le jazz des débuts qui irriguera de joie de vivre.
Danse et jazz comme histoire
Le jazz et ses danses vont se transmettre rapidement, traverser les époques et leurs évolutions techniques comme la radio et le cinéma. Un exemple avec cette incroyable chorégraphie représentant une fontaine humaine « The human waterfall » issue du film Footlight Parade sur fond d’orchestration jazz : la chorégraphie se confond avec l’architecture de l’Art déco de la piscine !
(Footlight Parade de Lloyd Bacon et Busby Berkeley,1933 : the « human waterfall »)
Différentes danses et courants musicaux du jazz vont jalonner l’histoire.
De 1850 à 1920, le blues suivi du ragtime et du jazz se répandent dans tous les États-Unis suite aux lois « Jim Crow » de 1874 qui continuent à instituer la ségrégation dans les États du Sud malgré l’abolition de l’esclavage en 1865, entraînant une migration massive de la population noire vers le Nord et les grandes villes comme Chicago et New-York. Alors que la Nouvelle-Orléans a été le berceau du jazz, New York va devenir la capitale du jazz à partir des années 1920.
Des années 1920 à 1940, le jazz swing règnera en maître avec le développement de grands orchestres au service exclusif de la danse.
La seconde Guerre mondiale met fin à cet âge d’or du swing.
Les musiciens et danseurs ayant été mobilisés et l’heure étant à l’économie, les orchestres de jazz vont se réduire à de petits groupes. L’essor du Bebop va complexifier les rythmes qui ne seront plus directement adaptables à la danse. Le jazz devient une musique de concert. Le rythm’n’blues, courant inspiré entre le jazz et le rock va remettre la danse au-devant de la scène. L’aventure des danses jazz se poursuit !
Par Anne-Laure Chatelot, bibliothèque Buffon
Danse & Jazz : notre série de l'été
Notre série « Danse & Jazz » se décline en sept parties qui seront diffusées tout au long de l’été 2024 de manière hebdomadaire. Ne ratez pas les autres épisodes !
Épisode 2 Jazz Nouvelle-Orléans