Illustrations : Kenji Abe

Les bébés, dès le plus jeune âge, posent sur le monde un regard émerveillé.

Ils observent, l'air sérieux ou amusés, tout ce qui les entoure. Un bruit perce soudain le silence ? Voilà que le bébé tourne la tête, il veut découvrir ce qui se passe.

Voir le monde, l'entendre, telles sont les occupations principales des nourrissons, avant même qu'ils ne soient capables de tenir un hochet dans leurs mains.

C'est donc tout naturellement qu'on peut leur proposer un livre. Avec les albums, nous leur proposons de regarder des images choisies pour leurs beautés, d'écouter des mots à la sonorité poétique.

Et les bébés se laissent emporter par ce moment de lecture qu'on leur offre. Ils sourient, ou écarquillent les yeux, ils battent des mains de plaisir. Avant de faire sens, l'histoire lue est déjà pour eux un moment de plaisir. En grandissant, les bébés lecteurs deviennent des bambins habiles dans la manipulation des livres et curieux des histoires qu'ils y rencontrent.

Outre le plaisir, les histoires permettent aux enfants de jouer avec leurs propres représentations mentales, elles enrichissent leur vocabulaire elles les aident à découvrir le monde.

A l'abri derrière un livre, ils vivent des aventures extraordinaires, rencontrent des personnages auxquels ils peuvent s'identifier ou au contraire qui sont très éloignés d'eux, voyagent dans l'espace comme dans le temps. Ces expériences, vécues par procuration à travers un héros de papier, contribuent à développer le sens de l'empathie des enfants, leur donnent des atouts pour surmonter les tracas de la vie quotidienne, les accompagnent pour grandir.

 

Chloé Seguret, Lectrice formatrice Association LIRE à Paris. 

 

Tout au long de notre guide "Des bébés, des livres", vous verrez de drôles de personnages s'immiscer au milieu des ouvrages. Ces personnages, les Gibbons, sont l'oeuvre de Kenji Abe. Nouvel auteur/illustrateur jeunesse japonais basé depuis peu à Paris, il a déjà publié deux ouvrages en France aux éditions MeMo, Les trois Gibbons et Les trois Gibbons et le petit crocodile.

Afin de faire plus ample connaissance, nous lui avons posé quelques questions.

 

Kenji Abe, qui êtes-vous ?

K.A. : Je suis né en 1972 à Kanagawa au Japon. J’ai suivi une formation au Japon, aux Beaux-Arts dans les domaines du cinéma, de la photographie et des arts plastiques. (En tout cas, il y a longtemps !) J’utilise des techniques très diverses et classiques comme le crayon, l’encre, le charbon, la peinture, les assemblages,…mais mon originalité reste dans l’utilisation de l’ordinateur pour compléter voire « améliorer » mon travail.

 

 

Mais pourquoi la France ?

K.A. : J’ai suivi ma femme, Mami Kiyoshi, elle-même artiste photographe. Nous nous sommes installés en France pour réaliser son projet artistique. Et puis, le temps a passé et… nous continuons d’y vivre car nous apprécions beaucoup la vie ici !

 

 

Pourquoi vous lancer dans la conception d’albums jeunesse ?

K.A. : Je suis très inspiré par les mythes et légendes des cultures primitives : ils ont quelque chose qui touche « le coeur » des gens. Leurs récits sont concis et tentent d’expliquer les questions importantes et fondamentales que se pose l’humain en général comme la création, l’origine, la vie, la mort,… L’existence des mythes montrent que les hommes cherchent toujours « des cadres »pour comprendre le monde où ils vivent. Je pense que l’on retrouve cela dans les albums jeunesse surtout pour les tout-petits. Ces histoires brèves donnent aux petits lecteurs comme des repères pour appréhender le monde qu’ils découvrent. Mon but est de proposer aux enfants un environnement littéraire bienveillant et positif pour les aider à grandir.

 

 

Pourquoi avoir choisi de dessiner des Gibbons dans votre album ?

K.A. : J’ai choisi des gibbons comme personnages principaux dans mon album pour différentes raisons qui sont culturelles et écologistes. Mon inspiration est venue de ma culture asiatique. Bien qu’il soit moins connu, le gibbon comme le dragon a toujours été un motif populaire dans les peintures de l’Asie de l’Est. Les gibbons ne peuplent pas le territoire japonais mais on retrouve cet animal dans les dessins anciens. Je perpétue cette tradition en choisissant le gibbon pour mes albums. Pendant ma recherche sur le gibbon pour la réalisation de mon livre, j’ai découvert que 100 000 gibbons vivent aujourd’hui dans les forêts primaires indonésiennes et 5 000 d’entre eux meurent chaque année, soit 5% de la population. Ils sont victimes du braconnage et de la déforestation, principale cause de la destruction de l’habitat de ces animaux sauvages, mais aussi de la captivité car ils sont détenus dans des conditions inadaptées par des particuliers, souvent utilisés dans le tourisme en échange de quelques photos ! A travers mon album, j’espère ainsi sensibiliser les lecteurs à cette cause.