Spécial Nouvelle Orléans / épisode 3 La scène rap de la Nouvelle Orléans
Extrait de la pochette de l'album de Big Freedia "Just be free" (2014)
A l’occasion du carnaval de la Nouvelle-Orleans, les bibliothécaires vous proposent de découvrir la musique de cette ville pas comme les autres. Episode 3.
Impossible aujourd’hui de faire un panorama de la scène musicale de la Nouvelle-Orléans sans évoquer le rap et en particulier le style propre à la ville : la bounce music, sous-genre du dirty south.
Alors que le hip-hop agite la cote est puis la Côte Ouest des Etats-Unis depuis le milieu des 70s, la Nouvelle-Orléans s’immisce dans le rap game assez tardivement, trouvant son style à la fin des années 80. A l’origine, un morceau des new-yorkais The Showboys, sorti en 1986 : « Drag rap (trigger man) ». Samplé plus de 130 fois, il donne à la bounce son rythme et son esthétique bondissante. Issu du vocabulaire jazz, le terme bounce fut en premier lieu employé dans les années 30 et 40 pour décrire un tempo vif et dansant, comme dans certains morceaux de Fats Waller ou Duke Ellington. Mais dans les années 90, le phénomène bounce qui se développe à la Nouvelle-Orléans, c’est avant tout : le sample du beat du Triggerman, reprenant des gimmicks au clavier, des aboiements et des sirènes ; un rythme répétitif ; des textes festifs ou crus incitant à la danse (et au twerk) ; des références à la culture traditionnelle locale (sample de brass bands locaux, référence au voodoo (Voodoo Gangsta Funk de Lokee, sorti en 1996) ; le tout enveloppé dans une production synthétique plutôt bon marché.
Plusieurs figures émergent alors (DJ Jubilee, Soulja Slim, Juvenile, Master P., Mystikal ou encore Lil Wayne), signées sur les trois principaux labels locaux (Cash Money, No limit et Take Fo’). L’esprit festif et les qualités rythmiques hypnotiques du genre finissent par séduire les labels nationaux : certains font appel aux rappeurs de The Big Easy pour des collaborations avec des incontournables de la scène US (Snoop Dog, Naughty by Nature, Future...). D’autres s’approprient le style et reprennent les codes de la bounce music dans des productions toujours très musclées mais plus lisses, taillées pour le marché international et un large public, à l’instar de N*E*R*D sur le titre « Lemon ».
En marge du phénomène bounce, l’esthétique du rap east coast intéresse dès les années 90 les musiciens de la Nouvelle-Orléans qui, dans l’esprit de la ville, cherchent toujours à proposer de nouveaux brassages : ainsi, en 1994, le projet Buckshot Lefonque initié par Branford Marsalis associe rappeurs, dj et jazzmen au sein d’un collectif fusionnant jazz, rap, rock, rhythm&blues ou encore reggae. Plus récemment, Youngblood Brass Band mêle influences rythmiques et vocales issues du hip-hop aux cuivres et percussions des fanfares.
Suite au passage tragique de l’ouragan Katrina, la scène musicale de la ville a cherché plus que jamais à défendre son identité si singulière. En 2010, l’album Ya-ka-may du groupe de jazz-funk Galactic est un concentré de fusion et de métissage : blues, brassband, rock pour le côté le plus traditionnel, electro et bounce pour le côté plus actuel. Ils réunissent les légendes de la Nouvelle-Orléans (Allen Toussaint, Irma Thomas, Big Chief Bo Dollis, Trombone Shorty, John Boutté, Rebirth Brass Band...) et font également appel à la scène drag qui dynamite la bounce ces dernières années. En collaborant avec Big Freedia, Cheeky Blakk ou encore Sissy Nobby, Galactic célèbre un nouveau mélange des générations et des cultures. Il semble que la bounce soit bel et bien ancrée dans l’ADN de la Nouvelle-Orléans, entretenant l’esprit et l’excentricité de la ville et apportant une nouvelle saveur à ce grand gombo musical.
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En savoir plus
Pour aller plus loin
- LIVRE | Nik Cohn, Triksta : un écrivain blanc chez les rappeurs de la Nouvelle-Orléans. Editions de L’Olivier, 2006
- PODCAST | New Orleans : la bounce music. Emission JAZZ ETE (France musique, 22/08/2013).
Podcast et streaming disponible : https://www.francemusique.fr/emissions/jazz-ete/new-orleans-9-10-la-bounce-music-28437
Par Vincent J., médiathèque musicale de Paris
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